Festival de Locarno | Entretien avec Helena Wittmann

Révélée avec son premier long métrage Drift, l’Allemande Helena Wittmann confirme son talent avec Human Flowers of Flesh. Sélectionné en compétition à Locarno, cette mystérieuse aventure maritime laisse une large place aux sensations qui servent de stimulant fil narratif. Ce film singulier plonge dans l’eau comme au plus profond de l’être humain. Helena Wittmann est notre invitée.


Quel a été le point de départ de Human Flowers of Flesh ?

Le point de départ n’est jamais un point pour moi. Il faut au moins deux points et s’ils entrent en relation, si cette rencontre met quelque chose en mouvement, alors il y a peut-être un film à faire. Je marchais près du centre de la Légion étrangère à Marseille, observant les corps très disciplinés de ces hommes. Je me demandais qui ils étaient, pourquoi cette unité militaire existait toujours. Un peu plus tard j’ai commencé à travailler sur Drift, mon premier long métrage, et pour cela nous avons traversé l’Océan Atlantique en bateau à voile. Je me suis mise à lire Le Marin de Gibraltar de Marguerite Duras… ce sont quelques-uns des premiers points qui se sont entrelacés et qui ont déclenché le processus.

Pouvez-vous nous parler de votre travail sur le son, qui joue un rôle essentiel dans votre film ?

Le son c’est quelque chose de vraiment incroyable, ça vous atteint profondément, très souvent de manière inconsciente. Si l’on travaille bien dessus, le son peut déplacer, souligner, juxtaposer l’image. J’ai la grande chance de pouvoir collaborer avec Nika Son depuis longtemps déjà. Nous avons une compréhension très similaire des sons et du bruit en rapport à l’image et nous commençons à en parler très tôt dans le processus. Déjà dans mes recherches en amont, le son fait partie de mon matériel.

Comment avez-vous collaborez avec vos acteurs dont les personnages sont (la plupart du temps) muets ?

C’était très facile en fait, car ils ont tous très bien compris que l’aspect le plus important pendant le tournage était leur présence. Être présent, être attentif, se transformer en auditeurs. En dehors de cela, les directives étaient très claires, il n’y avait rien ou presque qui avait vraiment besoin d’être « joué ». Je suppose que la chose la plus importante pour moi est de créer la situation dans laquelle une scène peut avoir lieu et que celle-ci se déroule.

Qui sont vos cinéastes de prédilection et/ou qui vous inspirent ?

Il y a beaucoup de cinéastes qui m’inspirent pour différentes raisons. Il est toujours difficile d’en nommer quelques-uns car je sais que tant de gens manqueront à l’appel. Quelques noms que je cite toujours : Chantal Akerman, Apichatpong Weerasethakul, Marguerite Duras (même si elle peut sembler si opposée au cinéma que je fais), il y a aussi des films comme par exemple Mothlight de Stan Brakhage, le premier film expérimental que j’ai vu de ma vie, qui sont très importants pour moi, car ils m’ont fait découvrir quelque chose de nouveau, quelque chose d’inconnu et d’envoûtant. Ils m’ont fait me tourner vers le cinéma.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de différent, de découvrir un nouveau talent ?

Je pense que le film qui m’a le plus impressionnée parmi les premiers films de ces dernières années est An Elephant Sitting Still de Hu Bo. Pas seulement en tant que premier film, mais comme film tout court en fait. Il y a un talent tellement extraordinaire. Malheureusement, Hu Bo s’est suicidé après avoir achevé son long métrage. C’est tragique d’un point de vue personnel bien sûr, ça l’est aussi car j’aurais aimé voir d’autres films de lui.


Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 11 août 2022. Un grand merci à Egle Cepaite & Wolfgang Werner. Crédit portrait : ©Sinje Hasheider

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