La Roche-sur-Yon 2019 | Entretien avec Duncan Cowles & Ross Hogg

Just Agree Then a été présenté cette semaine au Festival de La Roche-sur-Yon, dans la section Nouvelles Vagues. Les Écossais Duncan Cowles et Ross Hogg signent un petit ovni sur la confrontation artistique de deux cinéastes, avec en creux l’ombre absurde du Brexit. Cowles et Hogg sont nos invités de ce Lundi Découverte.

Quel a été le point de départ de Just Agree Then ?

Duncan : Après avoir collaboré ensemble sur un court métrage intitulé Isabella en 2015, on nous a demandé si nous voulions collaborer à nouveau pendant deux semaines en août 2018 pour faire un film au Forum européen d’Alpbach dans les Alpes autrichiennes. Ils voulaient que nous fassions quelque chose qui reflète « notre vision du monde d’aujourd’hui », ce qui était assez vague. Nous aurions peut-être pu pousser cela n’importe où, mais pour deux Écossais employés pour faire un film dans les Alpes autrichiennes, soutenus par des organisations autrichiennes, il semblait approprié de cibler la thématique du Brexit.

Ross : C’était si ouvert que nous aurions pu aller dans beaucoup de directions. Mais comme je travaille essentiellement dans l’animation et que le travail de Duncan s’inscrit davantage dans le documentaire, il nous semblait tout indiqué de confronter ces perspectives différentes et que celles-ci entrent en conflit. Avec la situation actuelle du Brexit qui bouillonne en arrière-plan, notre façon d’aborder le film pouvait refléter le climat politique absurde dans lequel nous nous trouvons.

Le synopsis officiel mentionne en effet le Brexit mais le mot est à peine prononcé lors du film. Comment cette thématique s’exprime t-elle entre les lignes dans Just Agree Then ?

Duncan : Nous voulions montrer à quel point le Brexit était ridicule, frustrant et même affreux, mais nous ne voulions pas nécessairement répéter ce que les gens voient tout le temps dans les médias. Nous avons estimé que la meilleure façon de montrer à quel point le Brexit est stupide, c’était de le montrer à partir d’un scénario différent. Nous nous sommes en quelque sorte posé la question : « À quoi ressemblerait le Brexit s’il était plutôt appliqué à deux cinéastes qui tentaient de faire un film ensemble ? »

Quand je regarde les infos à la maison, je vois surtout des gens se chamailler, parler les uns sur les autres pour aller nulle part, refusant de se mettre d’accord ou même, dans la plupart des cas, de s’écouter les uns les autres. On a appliqué ça avec Ross et on a essayé de faire un film. Cependant, nous étions également désireux de faire un film qui fonctionne même si vous n’avez jamais entendu parler du Brexit. Il était donc important de garder la politique hors du film dans un sens littéral, d’autant plus que la plupart des spectateurs en ont marre d’en entendre parler de toute façon.

Ross : Le film est essentiellement une grande métaphore. Nous avons discuté très tôt du fait que nous ne voulions vraiment pas prêcher quoi que ce soit concernant le Brexit. A la place, nous avons pensé que le film serait plus efficace en utilisant d’autres moyens de pousser et pousser encore la nature ridicule de Brexit à travers une série de désaccords auxquels on peut s’identifier, tout en utilisant une terminologie comparable aux phrases entendues en boucle dans les médias.

Sur ce projet en particulier, qu’est-ce que vous vous êtes apporté l’un l’autre ? En termes d’écriture ou d’idées…

Ross : Ce qui est important, c’est que nous avons été très ouverts à nos opinions respectives tout au long du processus de fabrication – même si cela n’apparaît pas de manière évidente dans le film. Je pense que nous nous sommes entendus très vite sur la façon dont nous allions traiter le sujet. Il nous restait encore de l’espace pour improviser et permettre au film d’évoluer de façon organique, de sorte que les événements à l’écran imitent la façon dont la production et la collaboration se sont déroulées.

Duncan : Oui, une fois que nous avons trouvé la direction du film, nous avons laissé les choses évoluer très naturellement comme le dit Ross. Certains passages étaient un peu plus scénarisés que d’autres, mais nous avons vraiment juste essayé d’être réactifs à l’environnement, et, tout en filmant, voir ce qui pouvait se passer narrativement. Par exemple, l’éclair qu’on voit dans le film n’aurait jamais pu être planifié, il est arrivé par hasard, et puis la discussion qu’il a provoqué dans le film était assez proche de la discussion que nous avons réellement eu en réalité sur l’utilisation-même de la séquence.

Quels sont vos réalisateurs favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Duncan : Il y a plein de réalisateurs que j’admire, mais les principaux qui m’inspirent en ce qui concerne le documentaire sont Alan Berliner et Nick Broomfield. En ce qui concerne la fiction, j’ai toujours adoré les films de Roy Andersson. J’encourage tout le monde à découvrir les œuvres de ces réalisateurs.

Ross : Il y en a probablement trop que j’aimerais citer. J’ai toujours été très inspiré par l’animation expérimentale et la mise en scène de Norman McLaren, et le travail d’observation de Jonathan Hodgson en termes d’animation est une des raisons pour laquelle je me suis moi-même lancé dans l’animation. Et son travail continue d’être brillant.

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Duncan : Ça m’arrive tout le temps. Il y a de nouveaux talents qui émergent partout ces temps-ci. Littéralement cette semaine, un étudiant m’a envoyé son tout premier film qui faisait preuve d’une perspicacité remarquable et c’est très prometteur. C’est un film personnel qui se concentre sur sa relation avec sa mère, et c’était excellent.

Ross : Je suis d’accord avec Duncan. Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil rapide sur Vimeo ou assister à quelques projections en festival pour être époustouflé par quelque chose de nouveau. Je trouve souvent que les compétitions étudiantes dans les festivals de cinéma peuvent avoir certains des travaux les plus passionnants et novateurs.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 16 octobre 2019. Un grand merci à Gloria Zerbinati. Crédit portrait.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

Partagez cet article