Critique : Un monde

Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté.

Un monde
Belgique, 2021
De Laura Wandel

Durée : 1h12

Sortie : 26/01/2022

Note :

COUR INTENSIVE

La cour de recréation de l’école où se déroule le film a beau ne pas être immense, elle procure d’emblée la même terreur vertigineuse qu’un océan infini chez Nora. Malgré sa bonne figure, celle-ci fait sa première rentrée des classes en hoquetant de peur et de sanglots comme si elle partait à la guerre. Cette cour se révèle au fil des jours être un espace hiérarchisé avec ses frontières invisibles qu’il vaut mieux respecter, même par jeu, sous peine de bousculade. C’est un monde sans adulte ou presque car ceux-ci sont laissés à la périphérie du cadre, souvent en haut (très bonne trouvaille visuelle qui souligne que les encadrants ne saisissent pas forcément ce qui se passe sous leur propre nez), et pourtant c’est déjà le reflet d’un monde adulte avec sa violence injuste et ses jeux de pouvoirs glaçants.

Nora débarque à l’école et s’accroche à son frère ainé qui se trouve déjà dans une classe supérieure. Lorsqu’elle découvre que celui-ci est victime de harcèlement de la part d’autres garçons, elle est partagée entre le désir de l’aider et celui de respecter son désir de garder le secret. Un monde est un film souvent éprouvant. Pas dans le sens où il montrerait à l’image des événements excessivement violents mais plutôt parce qu’avec un réalisme simple, son écriture fine et incisive parvient à redonner aux peurs enfantines leurs dimension gigantesques, impossible à fuir. Le film montre les mécanisme de la circulation de la violence entre enfants, sans noircir le tableau à outrance ni sans arrondir les angles de façon confortable. En un mot : sans prétendre avoir toute les solutions.

Dans cette cour, Nora apprend à rester à sa place. Au fil des jeux, elle apprend à marcher en équilibre, les yeux bandés, à faire ses lacets toute seule et à recoller les morceaux quand elle casse quelque chose. Déjà bien lisibles, ces métaphores-là n’auraient pas besoin d’être davantage surlignées. Elles sont rééquilibrées par différents grains dans le soulier du film : un montage tendu, une durée d’une brièveté bienvenue, des sous-entendus dérangeants telle cette légende urbaine racontée entre gamins, qui voudrait que des élèves morts soient enterrés sous le bac à sable, et surtout l’interprétation remarquable de Maya Vanderbeque, 7 ans, dans le rôle principal. Grâce à cette recette, Un monde est un film à la fois dur et accessible, brillant et nuancé. Une réussite.

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par Gregory Coutaut

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