Critique : L’Esprit sacré

Julio est mort. C’est une terrible nouvelle pour « Ovni-Levante », l’association de passionnés d’ufologie qu’il présidait. José Manuel, un de ses membres, est particulièrement touché par le décès : Julio et lui avaient un projet secret qui devait changer le destin de l’humanité. Il devra maintenant le mener à bien en solitaire.

L’Esprit sacré
Espagne, 2021
De Chema García Ibarra

Durée : 1h37

Sortie : 06/07/2022

Note :

AU-DELÀ DU RÉEL

Ce n’est qu’un détail dans le film, mais les fringues que portent les personnages de L’Esprit sacré sont si moches et crédibles dans leur banalité qu’elles pourraient sortir de n’importe quelle décennie récente. De fait, on ne sait pas exactement à quelle époque se déroule le long métrage, tant le progrès et la beauté moderne semblent s’être désintéressés de cette ville provinciale espagnole perdue dans le désert (Elche, la ville natale du cinéaste). Chema García Ibarra, dont les courts ont été sélectionnés à la Quinzaine ou la Berlinale, possède un certain talent pour dépeindre une amusante ringardise normcore, et pour faire de celle-ci une source de sourires et de surnaturel de bazar.

L’Esprit sacré n’est pas à proprement parler une pure comédie, ni un pur film fantastique, mais navigue dans son propre entre-deux, narrant une improbable histoire d’enlèvements par des extraterrestres. Chema García Ibarra se moque gentiment, et nous avec, de ses personnages illuminés : des membres d’une association d’ufologie, coincés dans leurs boutique étriquée et leurs horizons minables, qui se font tout de même surnommer Pharaon cosmique ou qui pensent pouvoir déchiffrer le langage des entités astrales à coup de déco égyptienne toc. La caricature pourrait être féroce, mais le film conserve une distance neutre envers ce petit monde.

Ce ton-là est intrigant mais se prête sans doute davantage au format court, car L’Esprit sacré peine à maintenir avec vigueur son équilibre jusqu’au bout. La note est singulière, mais on aimerait bien en entendre d’autres dans cette mélodie. Le relief nécessaire, attendu et espéré, arrive finalement au dénouement et pour le coup c’est une pirouette culottée : le film change alors de regard sur ses personnages pour les assommer symboliquement à coup de révélations cruelles. On pensait que L’Esprit sacré riait de façon inoffensive, mais il se révèle plus méchant que ça. Ce sursaut n’est pas désagréable du tout, mais aurait aimé en bénéficier plus tôt, plus régulièrement. Le film nous fait tout de même un sympathique clin d’œil en mettant en générique de fin un improbable morceau de la compilation new age… Indians’ Sacred Spirit.

par Gregory Coutaut

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