Critique : Les Séminaristes

En Tchécoslovaquie au début des années 1980, le régime communiste musèle l’église. Deux jeunes séminaristes devront choisir entre la soumission à la police secrète, ou une fidélité à leurs convictions qui pourrait leur coûter la vie.

Les Séminaristes
Slovaquie, 2020
De Ivan Ostrochovský

Durée : 1h20

Sortie : 02/06/2021

Note :

DAMNATION

La première chose qui frappe en découvrant Les Séminaristes, second long métrage de fiction du Slovaque Ivan Ostrochovský (lire notre entretien), c’est son extraordinaire beauté. Une voiture s’enfonce dans une nuit d’un noir profond ; on ne sait guère si la lumière qui la frappe est divine ou infernale – mais il y a un lyrisme formel qui s’invite en l’espace de quelques plans. Quelques plans qui suffisent également à Ostrochovský (et à son directeur de la photographie Juraj Chlpík) à créer un sentiment d’étrangeté, d’inconfort, de menace. Les Séminaristes installe une atmosphère de secret particulièrement cinégénique et le film – c’est une qualité – est d’abord assez difficilement identifiable.

On parle de Satan dans Les Séminaristes, d’une lumière qui vient punir les péchés. La menace sourde est soutenue par une véritable tension horrifique. Celle-ci n’est que suggérée, mais lorsque la caméra s’attarde dans un salon morose où le téléviseur est resté allumé, on est persuadé que d’un instant à l’autre le fantôme de Sadako va en sortir. Voilà un autre contrepied gratifiant : au sentencieux film d’époque figé dans ses postures, Ostrochovský semble préférer un étrange thriller horrifique qui vibre du premier au dernier plan.

Les Séminaristes parle d’un totalitarisme qui s’apprête à avaler un monde entier et menace de le plonger dans la nuit. Si ce crépuscule donne son indicible tension au long métrage, ce sont aussi ses qualités d’écriture qui font merveille. Toutes ses scènes paraissent volontairement trop courtes, comme s’il manquait un élément de contexte, une résolution. Ce choix de l’ellipse imprime un tempo bizarre qui, à l’image du récent Cold War de Pawel Pawlikowski, donne aussi un vif souffle romanesque. Cette expérience hypnotique nous a laissés stupéfaits.

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par Nicolas Bardot

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