Festival de Busan | Critique : Red Pomegranate

Anar vit avec son époux Marat et leur fils Adil. Anar est enceinte et a besoin de soins particuliers, car elle a un risque élevé de fausse couche. Lorsque la famille déménage à la campagne, Anar se retrouve dans un environnement inconnu. Soudainement, Marat disparaît…

Red Pomegranate
Kazakhstan, 2021
De Sharipa Urazbayeva

Durée : 1h52

Sortie : –

Note :

LA LOI DU SILENCE

La réalisatrice kazakhe Sharipa Urazbayeva (lire notre entretien) a été révélée il y a deux ans au Festival de Locarno avec son drame Mariam, montré (et couronné) en France au Festival de Vesoul. Red Pomegranate, en compétition à Busan, confirme son talent. Tourné avec un micro-budget et en peu de temps, Mariam tirait une force de cette radicalité âpre, crue et concise. Plus long et plus léché, Red Pomegranate arrondit peut-être davantage les angles, mais c’est un film visuellement inspiré qui sait exploiter la majesté des décors et qui n’a pas peur de viser très haut – littéralement le cosmos lors des premières images flamboyantes du long métrage.

Dans Mariam comme dans Red Pomegranate, l’homme de la famille disparaît mystérieusement. Dans le premier, cela ouvrait une porte à la fois absurde (comment prouver la mort d’un disparu ?) et iconoclaste (Mariam n’est-elle pas plus heureuse avec son mari considéré comme mort ?). Dans Red Pomegranate, cela illustre de manière assez évidente la démission masculine dans un monde qui paradoxalement ne laisse guère de place aux femmes. On assiste dans le long métrage aux petits arrangements entre mecs pour maintenir le status quo ; Anar pendant ce temps-là est priée de faire profil bas. On n’attend de celles et ceux frappé.e.s par le traumatisme que le silence – et c’est la double peine qu’Urazbayeva dépeint ici.

Le silence effectivement, comme celui dans lequel baigne la maison, à peine perturbé par le tic-tac de l’horloge. Un tic-tac comme une pulsion, comme quelque chose qui cherche à s’exprimer malgré tout. Les fruits du grenadier, leur pulpe rouge dans le creux de la main, ressemblent à des gouttes de sang. Ce fruit tropical « qui ne peut survivre ici » fait aussi référence au prénom de l’héroïne. C’est une micro-histoire, un drame certes, mais qui doit rester dans le secret d’une famille et d’une communauté. C’est pourtant, à l’ombre de l’univers, un événement dont la déflagration est celle de la fin d’un monde. La menaçante météorite qui transperce le ciel dans Red Pomegranate ressemble, à plus petite échelle, à ce qui arrive aux protagonistes – ses terribles conséquences sont contemplées silencieusement.

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par Nicolas Bardot

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