A voir en ligne | Critique : Poitiers

Victor, 18 ans, perd ses parents dans un accident de voiture à trois mois du baccalauréat. Il est recueilli par son parrain Michel, un homme énigmatique qui vit dans la dépendance d’un château avec sa fille Caroline, une jeune femme d’une vingtaine d’années.

Poitiers
France, 2022
De Jérôme Reybaud

Durée : 0h41

Sortie : –

Note :

LA RONDE DES PLAISIRS

Rétrospectivement, on se dit qu’il y avait sans doute quelque chose qui clochait joliment dès l’introduction de ce moyen métrage, un indice à cueillir dans la voix off étonnamment douce de cette commissaire de police qui nous apprend le décès des parents du protagoniste. Pourtant, ce je-ne-sais-quoi s’efface et l’on croit le film quand par la suite celui-ci fait mine, durant toute sa mise en place, de sagement obéir au programme annoncé par son titre factuel, celui d’un réalisme provincial familier et d’un récit d’apprentissage presque banal. Or, Poitiers est un drôle de trompe l’œil.

Suite au décès brutal de ses parents, Victor est accueilli chez son parrain qu’il connait très mal. Celui-ci a une fille du même âge que Victor, mais hormis une certaine tension sexuelle, ces deux-là ne partagent pas grand chose. Réunis comme par un hasard aussi arbitraire qu’un sortilège, ces trois quasi-inconnus se retrouvent en colocation forcée. C’est l’été et comme dans plus d’un film français, les non-dits et l’érotisme adolescent hétéro ne demandent qu’à être explorés dans ce coin de campagne coupé du reste monde.

Sauf qu’une fée tordue s’est penchée avec succès sur ce début de film faussement familier. La tension sexuelle se déplace joyeusement entre les personnages, contaminant la relation parrain/filleul de façon crypto-incestueuse et à défaut de secrets de familles, c’est un fétichisme refoulé pour l’odeur des sous-vêtements qui éclot çà et là. La grammaire du film elle-même devient plus étrange : les dialogues se font plus farfelus, le jeu des acteurs délibérément moins réaliste, des personnages secondaires déboulent tels des virages improbables, jusqu’à ce qu’il devienne improbable de prédire le déroulé du récit, y compris son remarquable dénouement.

La fée en question, c’est peut-être Paul Vecchiali, le plus marginal des cinéastes français et auteur de plus d’une réjouissance queer. L’écho de sa filmographie loin des sentiers battus provient-elle ici de ce vent de liberté lunaire, de la présence de Fabienne Babe (lunaire également), ou bien simplement du fait que Jérôme Reybaud (lire notre entretien) avait consacré au cinéaste un portrait documentaire il y a une dizaine d’années ? Moyen métrage dont la durée sied à la fantaisie de poche, Poitiers fait preuve d’un même goût pour l’artifice et de la même fausse naïveté au moment de faire fi des conventions réalistes.

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par Gregory Coutaut

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