Critique : Nicolae

En Roumanie, dans le village rural de Rahau, la population se voit confrontée au retour de Nicolae Ceaușescu sous la forme d’un hologramme.

Nicolae
France, 2022
De Mihai Grecu

Durée : 0h45

Sortie : –

Note : 

LE SURVIVANT

Petit à petit, un visage se forme en 3D, mais longtemps ses traits restent flous. Est-ce un masque de spectre ou de démon ? La forme inquiétante se précise peu à peu : c’est Nicolae Ceaușescu. Ça n’est pas un film d’horreur, c’est en fait une performance technologique à laquelle on assiste : la constitution d’un hologramme à l’effigie de l’ex-président roumain. Une camionnette traverse un petit village de campagne et le mégaphone l’annonce fièrement : Ceaușescu n’est pas mort, il va même s’adresser à la population.

Cette résurrection est l’occasion pour le Roumain Mihai Grecu (lire notre entretien) de questionner les habitants. Certains doivent enseigner aux adolescents ce qu’était la vie sous Ceaușescu. D’autres rappellent des histoires horribles qui ont parfois été vite oubliées. Mais l’hologramme ne réveille pas nécessairement un mauvais souvenir pour toutes et tous. Cet artifice en entraîne un autre : c’est d’un passé artificiel dont il est question, une nostalgie du « c’était pas si mal » qui semble appartenir à une réalité parallèle.

Mais les choses ne sont jamais totalement binaires dans ce moyen métrage. La nostalgie de certains peut-elle s’expliquer par le marasme politique dans lequel ils se trouvent ? Le panorama de réactions reste lacunaire puisque ce petit village se caractérise également par ses absents : les jeunes, qui sont partis gagner leur vie ailleurs. Il y a là désormais un espace vide, dans les habitations abandonnées. Un vide peut-être rempli par cet hologramme omniprésent, projeté sur scène, sur les murs, sur les arbres, dans des casques de réalité virtuelle, qu’on le veuille ou non. Il y a de la place pour que se faufile le populisme. Une vieille dame pas dupe rétorque : « il est mort, on est libres, je vais me coucher ». Mais derrière le ricanement, le cinéaste met le doigt sur d’intéressantes questions concernant la mémoire et la fragilité de la démocratie.

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par Nicolas Bardot

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