Critique : Le Père de Nafi

Dans une petite ville du Sénégal, deux frères s’opposent à propos du mariage de leurs enfants. Deux visions du monde s’affrontent, l’une modérée, l’autre radicale. Les jeunes Nafi et Tokara rêvent, eux, de partir étudier à Dakar, la capitale, et de vivre avec leur époque. A la manière d’une tragédie, et alors que s’impose la menace extrémiste, les amoureux doivent trouver un chemin pour s’émanciper des conflits des adultes.

Le Père de Nafi
Sénégal, 2019
De Mamadou Dia

Durée : 1h48

Sortie : 09/06/2021

Note :

MARIAGE DÉRANGÉ

La belle et fière Nafi souhaite épouser son cousin Tokara. Homme d’Église, le père de Nafi est prêt à les marier, mais il entre en conflit avec son frère, le père de Tokara. Candidat à la mairie, ce dernier représente un visage plus conservateur de l’Islam, plus prompt à des arrangement financiers et politiques. Les deux pères souhaitent le bonheur pour leur enfant, mais leurs convictions sont inconciliables. Dès lors, les rouages de la machine shakespearienne à tragédie sont déjà en marche : les amoureux deviennent progressivement des pions dans l’affrontement entre progrès et tradition.

Pourtant, Le Père de Nafi ne ressemble jamais vraiment à une tragédie. L’inquiétude des personnages face aux extrémistes religieux qui leur grignotent l’horizon n’empêche pas le ton d’être plutôt à la bienveillance calme. Les couleurs sont chaleureuses sans que le film tourne au pittoresque, et les personnages ont de l’humour sans être dupes. Les germes de la violence sont bel et bien là pour qui sait les voir (tel un ballon de foot crevé), mais une légère musique vient régulièrement désamorcer la tension des scènes attendues. Ce drôle d’équilibre sur lequel se trouve le film, on pourrait le qualifier tout simplement de mélancolie, à l’image du visage du père de Nafi : son regard triste mais jeune, et ses sourcils sans cesse étonnés.

Le Père de Nafi est le premier travail de fiction de Mamadou Dia, qui a auparavant travaillé pendant presque dix ans comme journaliste, ce qui explique peut-être la place élégante que le film laisse au silence, à l’observation et aux pauses dans l’intrigue. Dia est reparti de Locarno avec le Léopard d’or du meilleur film dan la section Cinéastes du présent. Aux cotés d’Alain Gomis et Mati Diop, il participe avec Le Père de Nafi à remettre le jeune cinéma sénégalais sur le devant de la scène cinéphile.

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par Gregory Coutaut

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