Festival Visions du Réel | Critique : Far Away Eyes

À l’aube de la trentaine, un jeune homme fauché nage en plein doute artistique. Afin d’oublier une rupture amoureuse récente, il fait dériver sa silhouette longiligne, sans but, dans les rues de Taipei bruissant de la rumeur des élections de l’automne 2020.

Far Away Eyes
Taïwan, 2021
De Wang Chun Hong

Durée : 1h19

Sortie : –

Note :

LES LUMIÈRES DE LA VILLE

« Quelles pensées vous gardent éveillé à cette heure ? » : c’est une question que l’on entend dans Far Away Eyes, un film effectivement plongé dans un étrange demi-sommeil. La ville y est lumineuse, même si celle-ci est régulièrement plongée dans un noir profond. Ce sont les lumières qui miroitent sur l’eau, c’est un pavillon lumineux au bord de la route, ce peut être une unique lumière à la fenêtre d’un immeuble, ça peut être encore les flashes d’un appareil photo. Autant d’étincelles et de lucioles dans une nuit dont on n’arrive pas à sortir.

« Quelles pensées vous gardent éveillé ? » tout court, voilà la question qui semble se poser aux protagonistes du superbe premier long métrage du Taïwanais Wang Chun Hong (lire notre entretien). Far Away Eyes suit la déambulation mélancolique de jeunes gens égarés. On regarde les avions qui décollent, on scrute un ciel dramatique, et le film est rempli de fulgurances formelles. Qu’est-ce qui se cache dans le ciel ou dans l’avenir de jeunes désenchantés ? Cette contemplation pourrait être aride ou figée dans les clichés d’un auteurisme apathique, mais Far Away Eyes révèle au contraire un authentique talent de metteur en scène.

On parlait de jeunesse désenchantée, mais Wang Chun Hong, par l’image, suggère la possibilité d’un réenchantement. La beauté dans Far Away Eyes est simple, paisible et silencieuse. Ce n’est pas un vernis froid ; il y a au contraire quelque chose de chaleureux qui finit par se dégager de ce récit. La profonde solitude ouvre la porte d’une émouvante intimité. Ce qui pourrait se limiter à un exercice de style coquet parvient à raconter une incapacité déchirante à se connecter au monde. Cette petite merveille est aussi surprenante que séduisante : voilà un cinéaste à suivre.

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par Nicolas Bardot

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