Nos 20 documentaires des années 2010

20 documentaires pour une décennie : l’idée n’est évidemment pas d’être exhaustif, mais de se pencher néanmoins sur les propositions fortes qu’on a pu voir pendant 10 ans. Quelles thématiques dessinent-elles, quelles formes prennent-elles ? Voici, à nos yeux, les 20 documentaires les plus passionnants de 2010 à 2019 et qu’on vous encourage à voir ou rattraper dès que possible.


• Into Eternity | Michael Madsen (Danemark, 2010)
Le pitch : Creusée dans le nord de la Finlande, à Onkalo, une gigantesque grotte abritera des déchets nucléaires. C’est le chantier d’un sanctuaire conçu pour durer cent mille ans.
Pourquoi on l’aime : Le film de Michael Madsen (rien à voir avec l’acteur) pose des questions vertigineuses sur le futur et donne le tournis. Sa réflexion passionnante sur les déchets nucléaires et sur l’éternité projette le documentaire dans la science-fiction.


• Vanishing Spring Light | Xun Yu (Chine, 2011)
Le pitch : Dans le vieux quartier bientôt rasé d’une ville du Sichuan, Madame Jiang vit avec une partie de sa famille qui a converti sa maison en salle de mah-jong. Tandis qu’elle agonise, les conflits familiaux s’intensifient.
Pourquoi on l’aime : C’est un grand documentaire qui saisit la force vitale d’un quartier, d’une famille et de personnalités dans une atmosphère pourtant crépusculaire. Une vraie merveille par un jeune cinéaste dont on aimerait avoir des nouvelles.


• The Act of Killing | Joshua Oppenheimer, Christine Cynn & Anonyme (Danemark, 2012)
Le pitch : 45 ans après le massacre de plus d’un million d’opposants politiques, les survivants terrorisés hésitent encore à s’exprimer. Les bourreaux, eux, protégés par un pouvoir corrompu, s’épanchent librement et proposent même de rejouer les scènes d’exactions qu’ils ont commises…
Pourquoi on l’aime : The Act of Killing est l’un des films les plus ahurissants de la décennie, une exploration humaine stupéfiante qui traite du réel et de la fiction comme personne. Quelque part entre le rire, la consternation et la frayeur pure.


• The Galapagos Affair | Daniel Geller & Dayna Goldfine (États-Unis, 2013)
Le pitch : Fuyant dans les années 30 une société conventionnelle, un médecin de Berlin et sa maîtresse commencent une nouvelle vie sur l’île inhabitée de Floreana. La presse internationale dramatise les exploits des « Adam et Eve » des Galapagos, et d’autres personnes affluent. Les choses ne seront plus jamais les mêmes…
Pourquoi on l’aime : Véritable partie de Cluedo, The Galapagos Affair fait preuve d’un rare sens du mystère et du merveilleux. In fine, derrière le romanesque du récit, c’est un documentaire passionnant sur le besoin de fiction.


• L’Image manquante | Rithy Panh (Cambodge, 2013)
Le pitch : Il y a tant d’images dans le monde, qu’on croit avoir tout vu. Depuis des années, le réalisateur cherche une image qui lui manque. Une photographie prise entre 1975 et 1979 par les Khmers rouges, quand ils dirigeaient le Cambodge…
Pourquoi on l’aime : Comment raconter une vérité historique qui n’existe (officiellement) pas, hormis dans la mémoire des rares survivants ? Aux seules images existantes – celle de la propagande des Khmers rouges – Rithy Panh répond avec des figurines d’argile dans un saisissant documentaire autobiographique.


• Cobain, Montage of heck | Brett Morgen (États-Unis, 2014)
Le pitch : La vie de Kurt Cobain à travers un ensemble d’archives personnelles inédites.
Pourquoi on l’aime : C’est un portrait intimiste d’une richesse assez inouïe, et qui évite avec audace le sensationnalisme lugubre. Pour parler d’un homme mort, Morgen signe un film vivant qui ne ressemble en rien aux portraits d’artistes habituels.


• Sous-sols | Ulrich Seidl (Autriche, 2014)
Le pitch : C’est un film qui parle des gens et des caves, et de ce que les gens font dans leurs caves. C’est un film sur les obsessions.
Pourquoi on l’aime : Seidl s’est longtemps intéressé, de manière métaphorique, à ce que ses protagonistes cachent dans leur cave mentale. Ici le doc, particulièrement scotchant, s’attache à montrer de manière frontale les désirs cachés, et les contradictions humaines évitent le simple catalogue de folies.


• Behemoth | Zhao Liang (Chine, 2015)
Le pitch : Dans ce documentaire, Zhao Liang parcourt d’Est en Ouest ce vaste plateau où les prairies cèdent la place aux mines de charbon. Sous ses yeux se déploie le processus barbare de l’économie moderne chinoise.
Pourquoi on l’aime : Behemoth brouille avec un talent immense les frontières entre cinéma et art vidéo, entre 2d et 3d. Un choc plastique où le geste politique est aussi un geste poétique.


• Le Bouton de nacre | Patricio Guzman (Chili, 2015)
Le pitch : C’est une histoire sur l’eau, le Cosmos et nous. Elle part de deux mystérieux boutons découverts au fond de l’Océan Pacifique. A travers leur histoire, nous entendons la parole des indigènes de Patagonie, celle des premiers navigateurs anglais et celle des prisonniers politiques.
Pourquoi on l’aime : Le plus beau volet de l’impressionnante trilogie signée par le maître chilien, un documentaire à l’imagination folle qui est un vrai tour de force narratif.


• Ascent | Fiona Tan (Pays-Bas, 2015)
Le pitch : 4.500 photographies exceptionnelles de sources diverses datant des 150 dernières années, constituent le point de départ d’Ascent. N’utilisant que l’image fixe, c’est une expérience filmique entre documentaire et fiction, photographie et cinéma, où l’on suit une femme anglaise et son compagnon de route japonais décédé, Hiroshi.
Pourquoi on l’aime : Le projet expérimental de la plasticienne Fiona Tan est consacré au pouvoir de fascination du Mont Fuji exprimé en des tonnes de photographies. Dans ce film unique, Tan essore son sujet de toutes les façons : géographique, temporelle, historique, religieuse, culturelle ou poétique.


• Homo Sapiens | Nikolaus Geyrhalter (Autriche, 2016)
Le pitch : Nikolaus Geyrhalter filme des endroits désolés où il ne reste que des traces du passage des humains et de la civilisation.
Pourquoi on l’aime : C’est une splendeur formelle qui est aussi une étonnante exploration d’un monde où l’humanité a déjà disparu, et où le chaos apocalyptique est aussi filmé comme un chaos paisible.


• Long Story Short | Natalie Bookchin (États-Unis, 2016)
Le pitch : Une centaine d’interviewés, filmés en Californie dans des soupes populaires, des foyers ou des centres d’alphabétisation, racontent la pauvreté aux États-Unis, les façons de vivre avec et, peut-être, de s’en sortir.
Pourquoi on l’aime : Voilà une œuvre fascinante à la croisée du cinéma documentaire et de l’art contemporain, qui raconte avec une grande puissance politique la dimension universelle de l’exclusion et de la marginalité à la façon d’un chœur antique – mais sans pour autant perdre de vue l’intimité et ce qui constitue chaque individu.


• Voyage of Time | Terrence Malick (États-Unis, 2016)
Le pitch : Hymne à la nature et à l’univers, Voyage of Time s’interroge sur le rôle de l’homme dans le futur. Après ces temps infinis, quel est le sens de notre passage sur Terre ?
Pourquoi on l’aime : C’est un film qui tient peut-être plus de l’essai poétique que du doc à proprement parler – c’est en tout cas un spectacle grandiose par un réalisateur qui, toute cette décennie, n’en aura fait qu’à sa tête et avec raison.


• Dragonfly Eyes | Xu Bing (Chine, 2017)
Le pitch : Chacun d’entre nous est, en moyenne, filmé 300 fois par jour par des caméras de surveillance. Ces «yeux» qui voient tout remarquent Qing Ting, une jeune femme, alors qu’elle quitte le temple bouddhiste où elle s’est formée pour devenir moniale…
Pourquoi on l’aime : Signé par un plasticien, Dragonfly Eyes prend la forme d’une fiction à partir d’images documentaires, toutes issues de caméras de surveillance. C’est un doc, c’est un film catastrophe, c’est un slapstick et une expérience complètement folle.


• Ex Libris | Frederick Wiseman (Etats-Unis, 2017)
Le pitch : Frederick Wiseman investit une grande institution du savoir, la New York Public Library, et la révèle comme un lieu d’apprentissage, d’accueil et d’échange.
Pourquoi on l’aime : Le génie Wiseman avait sa place de choix dans ce top de la décennie avec ce film monumental et essentiel où la culture est filmée comme un geste politique de résistance.


• Ouvrir la voix | Amandine Gay (France, 2017)
Le pitch : Ouvrir La voix est un documentaire sur les femmes noires issues de l’histoire coloniale européenne en Afrique et aux Antilles. Le film est centré sur l’expérience de la différence en tant que femme noire et des clichés spécifiques liés à ces deux dimensions indissociables de notre identité « femme » et « noire ».
Pourquoi on l’aime : Voilà un autre documentaire essentiel au propos édifiant. A travers un dispositif épuré, son autrice propose une réflexion passionnante et complexe sur le racisme et la convergence des luttes. A voir et à montrer partout.


Les Âmes mortes | Wang Bing (Chine, 2018)
Le pitch : Dans la province du Gansu, au nord-ouest de la Chine, les ossements d’innombrables prisonniers morts de faim il y a plus de soixante ans, gisent dans le désert de Gobi. Le film nous propose d’aller à la rencontre des survivants pour comprendre qui étaient ces inconnus.
Pourquoi on l’aime : Un autre génie, venu de Chine cette fois, signe cette œuvre colossale d’abord par sa longueur (plus de 8 heures) mais aussi par son ambition et par son accomplissement. Aride et poignant, le film, en un geste politique fort, redonne leur voix aux morts.


Inland Sea | Kazuhiro Soda (Japon, 2018)
Le pitch : Le crépuscule d’un village sur le point de disparaître.
Pourquoi on l’aime : En utilisant une méthode qui lui est propre (et qu’il détaille dans notre entretien), le Japonais Kazuhiro Soda parvient à saisir l’insaisissable énergie magique d’un lieu et de quelques habitants qui bientôt ne seront plus que des fantômes. Poignant et profondément humain.


• Roman national | Grégoire Beil (France, 2018)
Le pitch : Ce montage de vifs échanges entre jeunes gens via le chat vidéo Periscope passe de la futilité à l’inquiétude lorsqu’une actualité tragique perturbe le quotidien ludique du selfie.
Pourquoi on l’aime : Voilà une expérience véritablement hors normes et unique. Grégoire Beil compose une passionnante mosaïque qui détourne les clichés de ce qu’on considère être le « roman national ». Et on peut dire qu’on n’a jamais vu ça avant.


Women Make Film | Mark Cousins (Royaume-Uni, 2019)
Le pitch : Women Make Film est un documentaire épique sur l’histoire du cinéma envisagée uniquement par le biais des réalisatrices.
Pourquoi on l’aime : C’est un incroyable documentaire-fleuve (14 heures !) posant de nombreuses questions de mise en scène en explorant l’œuvre d’innombrables réalisatrices – une source de découvertes et de talents intarissable. Il faut du recul pour inclure dans une telle liste un film de 2019 – ce qui explique l’absence de certains de nos coups de cœur très récents – mais ce Women Make Film s’impose déjà comme une référence incontournable.

Dossier réalisé par Nicolas Bardot et Gregory Coutaut le 21 décembre 2019.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |


Partagez cet article