A voir en ligne | Critique : La Fièvre

A Manaus, ville industrielle au cœur de l’Amazonie, Justino, amérindien Desana, est employé comme vigile du port de commerce tentaculaire. Sa fille aide-soignante est sur le point de partir faire ses études de médecine à Brasilia. Confronté à la solitude de sa modeste maison et ses nuits hantées par la poursuite d’animal sauvage, Justino est saisi d’une fièvre mystérieuse. La visite de son frère lui remémore sa vie passée dans la forêt. Entre sa vie urbaine et son arrachement à sa forêt, Justino cherche sa place…

La Fièvre
Brésil, 2019
De Maya Da-Rin

Durée : 1h38

Sortie : 30/06/2021

Note :

JUNGLE FEVER

La Fièvre est le premier long métrage de fiction de la Brésilienne Maya Da-Rin (lire notre entretien) qui s’est auparavant illustrée avec des documentaires. Co-produit par la bonne fée Maren Ade (excellente productrice en plus d’être une brillante réalisatrice), ce film figurait en compétition au Festival de Locarno. Dès les premiers instants, la réalisatrice témoigne d’un certain talent pour nous faire ressentir ce que l’on ne voit pas. La caméra est sur le héros, un agent de sécurité d’une quarantaine d’années ; il est immobile et contemplatif tandis que l’image est envahie par les sons de la jungle, comme un mélodie. La caméra recule et nous ramène au réel, avec les sons du site industriel sur lequel Justino travaille. Et en un simple mouvement de caméra, Maya Da-Rin installe le climat du film ainsi que ses questionnements.

Plus tard, Justino raconte l’histoire d’un homme parmi les singes. Comme un conte immémorial dans ce film qui s’attache beaucoup à ce qui est enfoui. Une créature, entend-on aux informations, tuerait des animaux dans la région. Mais est-ce un homme ? Qu’est-ce qui rôde ? Qu’est-ce qui se cache dans la jungle, dans les mauvais rêves, ou dans cette fièvre qui s’empare de Justino ? Maya Da-Rin questionne l’identité et le déracinement dans ce film où un homme indigène est comme rappelé à ses racines, au cœur de la forêt amazonienne. Le décor industriel est filmé de nuit comme un absurde et étrange no man’s land, et les containers qui le composent semblent pouvoir contenir n’importe quoi. La forêt borde le site, la maison, le chemin pour rentrer chez soi, comme une conscience qui surveille les personnages et respire le même air.

Par touches, Da-Rin raconte un quotidien où Justino n’est jamais pleinement considéré comme chez lui – il est « l’Indien » comme le nomme l’un de ses collègues. Au drame social, la réalisatrice préfère le conte quasi-mystique. Les cassures formelles installent ici ou là une étrangeté par le montage. On ne fait plus nettement la différence entre ce qui se trame dans la tête et ce qui se déroule réellement – à l’image du doute concernant le dénouement. Mais Maya Da-Rin réussit cela : le monde intérieur compte autant si ce n’est plus que la mise en scène sociale du monde réel. Fluide et séduisant, voilà un film prometteur.


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par Nicolas Bardot

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