Critique : Great Freedom

L’histoire de Hans Hoffmann. Il est gay et l’homosexualité, dans l’Allemagne d’après-guerre, est illégale selon le paragraphe 175 du Code pénal. Mais il s’obstine à rechercher la liberté et l’amour même en prison…

Great Freedom
Autriche, 2021
De Sebastian Meise

Durée : 1h57

Sortie : 09/02/2022

Note :

ENTRE LES MURS

Jusqu’à la fin des années 60, la persécution des homosexuels était autorisée de façon officielle en Allemagne, grâce à l’article 175 du Code pénal criminalisant l’homosexualité masculine. Great Freedom, second long métrage de l’Autrichien Sebastian Meise (lire notre entretien), s’ouvre par des films d’archive où des hommes font les tasses – c’est-à-dire qu’ils se rencontrent dans les pissotières. Cela ressemble à un souvenir personnel, ce sont en fait des pièces à conviction que nous regardons. Et aux murs des chiottes vibrant d’amour succèdent les murs moins accueillants d’une prison.

Il y a plus d’un demi-siècle, Jean Genet racontait dans Un chant d’amour ce qui pouvait traverser les murs d’une prison : les fleurs qui se balancent d’une fenêtre à l’autre entre les mains des détenus, une paille et la fumée d’une cigarette entre les cellules. L’esthétique et le ton général de Great Freedom sont moins sensuels, mais il est néanmoins question de désir et de circulation du désir dans ce lieu de contrainte. Qu’est-ce qui se déploie entre ces murs ? Comment le désir s’épanouit-il ? Il y a un romanesque entravé mais un romanesque qui s’exprime dans Great Freedom. Malgré, et peut-être aussi grâce à l’austérité radicale du film, qui ne romantise pas le sort de ses protagonistes.

Car Great Freedom dépeint aussi une entreprise de destruction. Des vies confisquées, où la traque des homosexuels peut se poursuivre même après la libération des camps. Meise raconte un labyrinthe sans sortie, des personnages qui auront passé une vie entière en cavale. Si l’on ressent l’aspect physique et concret de la prison, celle-ci devient aussi une sorte de théâtre abstrait. C’est peut-être l’idée la plus belle et la plus forte du film : l’histoire se déroule en 1968, en 1945, en 1957. Ce sont les mêmes personnages qui ont vieilli, qui sont plus jeunes. Ce sont eux, mais ce sont aussi les autres : les homosexuels persécutés hier, aujourd’hui et demain.

Le temps passe, dans l’atelier on coud maintenant des draps roses, des bleus de travail autrefois. L’extérieur est flou, quelque part dans la mémoire, comme une vieille pellicule qu’on n’aurait peut-être pas développée. C’est aussi un lieu devenu étranger. Le récit puissant de Great Freedom est incarné avec un talent extraordinaire par ses comédiens, avec en tête Franz Rogowski. Génial à peu près partout où on a pu le voir, l’acteur allemand confirme qu’il est l’un des meilleurs au monde avec cette prestation assez inoubliable.

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par Nicolas Bardot

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