Critique : employé / patron

L’employeur est un jeune homme qui semble avoir tout pour lui, pourtant il est en proie à une inquiétude : la santé de son bébé. L’employé est à la recherche d’un travail pour subvenir aux besoins de son nouveau-né et n’hésite pas lorsque le premier lui propose de l’embaucher pour travailler dans ses terres. Grâce à leur entraide, les deux répondront à leurs besoins. Mais un jour, un accident se produit. Cet événement va tendre les liens qui les lient et mettre en danger le sort des deux familles.

employé / patron
Uruguay, 2021
De Manuel Nieto Zas

Durée : 1h46

Sortie : 06/04/2022

Note :

FILM D’EXPLOITATION

Employé / patron commence par une berceuse, mais une berceuse qui, par la bonne idée d’un cadrage décalé, possède d’emblée quelque chose d’inattendu. On comprend quelques instants plus tard que le bébé suspendu dans un hamac de fortune n’était pas là pour une sieste paisible, mais pour une auscultation d’urgence plutôt musclée. A l’aide de ces quelques détails seulement, le ton du film est lancé : derrière la placidité apparente, ça secoue quand même pas mal.

Un petit patron agricole, jeune héritier (le toujours excellent Nahuel Pérez Biscayart, un choix de casting frappé au coin du bon sens, rien que par sa beauté particulière et sa masculinité vulnérable), engage dans son exploitation un garçon pauvre, pas beaucoup plus jeune que lui. Les scènes d’employé / patron sont brèves mais remplies, tendues juste ce qu’il faut, et en quelque sorte imperméables entre elles. Si elles suivent bien la chronologie d’un récit, elles se succèdent comme des petits blocs à l’étanchéité fort intrigante. Une étanchéité qui rappelle celle des rôles hiérarchiques et des classes sociales, supposément immuables.

employé / patron est un film qui parait toujours au bord de quelque chose, de façon bien plus prometteuse que frustrante. Dans ce coin d’Uruguay, proche de la frontière brésilienne, le ciel bleu pétard est immense, splendide et menaçant à la fois comme s’il menaçait de tomber sur la tête des protagonistes à tout instant, de les engloutir pour de bon à force de beauté. Les paysages ruraux sont comme infinis, presque transformés en simples bandes de couleurs par le cadrage (une détail qui peut rappeler au passage La Femme des steppes, le flic et l’œuf de Wang Quanan). Par la simple mise en image, le cinéaste Manuel Nieto Zas installe avec finesse un singulier va-et-vient entre quiétude et tension.

Cette qualité vient également de l’écriture, mais la manière dont la caméra parait à plusieurs reprises suivre son propre trajet en parallèle du scénario a de quoi captiver encore plus. Celle-ci s’intéresse autant aux personnages qu’à leur environnement, y compris sonore, comme pour capter les forces invisibles qui vont contraindre chacun à se comporter d’une certaine manière, à cause ou en dépit de leur relation de travail, de leur milieu social. Plus qu’un simple renversement conflictuel, employé / patron propose à sa manière de rebattre les cartes du codes du travail. Le résultat est d’un trouble qui ravit. Une excellente découverte de la Quinzaine des réalisateurs, une de plus.

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par Gregory Coutaut

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