Festival de Rotterdam | Entretien avec Vanja Kaludjercic

Depuis cette année, Vanja Kaludjercic est la nouvelle directrice du Festival de Rotterdam (IFFR). Directrice des acquisitions chez MUBI et passée entre autres par les Festival des Arcs et de Sarajevo, Kaludjercic a effectué avec son équipe un travail remarquable à Rotterdam dont la sélection a été excellente (retrouvez notre bilan complet). Le second volet de cette édition débute ce mercredi 2 juin, en public et avec des films supplémentaires. Il sera à suivre sur Le Polyester. L’occasion de faire le point avec Vanja Kaludjercic.


Quatre mois plus tard, quel bilan faites-vous de la première partie de ce 50e IFFR, qui a eu lieu en ligne en février ?

J’ai du mal à croire que cela fait déjà quatre mois que nous avons entamé cette 50e édition de l’IFFR. Celle-ci c’est avérée complètement différente de ce que nous aurions pu imaginer. L’objectif principal de cette année était, d’abord et avant tout, de faire en sorte que le festival ait lieu même en pleine pandémie. Ce qui nous a le plus inquiétés juste avant le début du festival, c’est d’abord de savoir nous pouvions concrétiser les plans que nous avions en tête, et ensuite de savoir si le public, les cinéastes, les professionnels et la presse allaient adopter ce format de festival entièrement repensé. Je suis ravie de la façon dont la session de février de cette 50e édition s’est déroulée. L’expérience que nous avons offerte au public, aux cinéastes et aux professionnels était différente d’une édition habituelle de l’IFFR, mais ce n’était certainement pas une expérience moindre.

Les retours du public ont été vraiment bons et, grâce à l’interface numérique que nous avons créée, ils ont également été immédiats. Les spectateurs ont partagé leurs réflexions sur les films via la boîte de discussion sur le site du festival. Ils ont également créé une nouvelle dynamique avec les cinéastes. Lors d’un festival physique, vous vous rencontrez brièvement, puis vous êtes ramenés dans l’agitation du reste du festival. Cette fois, nous avions des sessions dédiées avec chaque cinéaste à partir de décembre et aussi entre les cinéastes entre eux afin qu’ils commencent à se connaître. Les liens forgés dans ces conditions sont en quelque sorte plus profonds. Il en va de même pour le lien entre les cinéastes et le public, qui devient instantanément plus personnel simplement parce que le cinéaste répond aux questions en direct de son salon (y compris des cinéastes comme Kelly Reichardt). Bref, je pense que même si les projections étaient numériques, nous avons réussi à créer un événement autour d’elles.

Quelle relation entretenez-vous avec d’autres grands festivals tels que Sundance et la Berlinale, qui se déroulent à peu près à la même période que l’IFFR ?

Eh bien, je dois admettre qu’après le début de la pandémie et moins de deux semaines après avoir commencé en tant que directrice du festival, je pensais que ce serait un sacré défi de maintenir des échanges inter-festivals, en particulier alors qu’ à peu près tout le monde était confiné et la plupart d’entre nous étions incapables de voyager. Or il s’avère que c’est l’inverse qui est arrivé. Au cours des 12 derniers mois, j’ai été en contact fréquent avec Carlo Chatrian de la Berlinale et Tabitha Jackson, qui a pris son poste de directrice de Sundance à peu près au même moment où j’ai commencé à Rotterdam. Cela a été formidable de pouvoir partager nos expériences car nous étions à peu près confrontés aux mêmes circonstances qui nous ont forcés à sortir des sentiers battus. Cela a été particulièrement excitant de voir comment chacun de nous a trouvé des solutions différentes.

Votre sélection pour la première partie du Festival fut extrêmement riche et éclectique. et la deuxième partie donne la même impression. Cela reflète-t-il le niveau global de ce que vous avez vu cette année ?

Merci beaucoup de souligner la diversité du programme de cette année. C’est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’aimerais que nous nous concentrions également dans les années à venir. Prenons par exemple la nouvelle section de notre programme, intitulée Harbour. Le port est la colonne vertébrale de la ville de Rotterdam. De la même manière, Harbour est la colonne vertébrale du festival. Avec ce programme, le festival offre un foyer au cinéma contemporain dans toute sa diversité. Les films sélectionnés peuvent aller de l’animation d’avant-garde très complexe, comme Accidental Luxuriance of The Translucent Watery Rebus, à un grand documentaire sur le footballeur italien Francesco Totti. Ce large horizon est la caractéristique la plus importante de Harbour. A travers la sélection du IFFR, nous voulons traduire des notions de fluidité et de diversité, créer un espace où les extrémités apparemment opposées du spectre peuvent trouver un terrain d’entente.

Comment avez-vous sélectionné les films présentés spécifiquement pour la deuxième partie du festival ? Aviez-vous des souhaits spécifiques en tête ?

Alors qu’en février nous nous sommes concentrés sur les sections compétitives, ce que nous voulions faire pour notre programme de juin, c’est vraiment offrir un festival dans toute sa richesse et sa variété à travers un programme large et éclectique qui laisse à notre public la possibilité d’être surpris et de faire des découvertes.

La programmation de juin se compose du Harbour susmentionné, aux côtés de Bright Future (axé sur les cinéastes émergents), de Cinema Regained (un cabinet de curiosités centré sur l’histoire du cinéma), du programme Short & Mid-length et d’une sélection festive de classiques du Festival. Outre les films, il y a beaucoup de choses au programme, comme les conférences IFFR qui visent à repenser les métiers du cinéma et à devenir des sources de défi et d’inspiration sur des sujets qui vont bien au-delâ du cinéma. Enfin, le programme Art Directions complète l’offre physique avec des projets de réalité virtuelle, ainsi qu’ une installation itinérante intitulée The Werner – Guerilla Cinema de l’Atelier van Lieshout. Deux occasions de célébrer en personne la clôture de cette édition anniversaire.

Dans quelle mesure la pandémie a-t-elle affecté votre travail de sélection?

Nous avons dû aborder notre programmation différemment cette année, c’est certain. Habituellement, avec notre équipe de programmeurs, nous voyageons à travers le monde et visitons d’autres festivals pour nous familiariser avec de nouveaux cinéastes, producteurs et projets. Cette année, comme le reste du monde, nous avons été confinés à nos ordinateurs portables et à de nombreux appels vidéo pour faire cette recherche et finalement faire notre sélection. C’est précisément pour cette raison que je suis tellement excitée que notre sélection soit maintenant finalisée et que notre édition d’été soit sur le point de commencer. Nous pouvons enfin accueillir à nouveau le public dans les cinémas après qu’ils aient été fermés pendant 7 mois. Cette expérience commune de regarder un film ensemble sur grand écran est d’une importance essentielle pour un festival, et j’ai tout simplement hâte de célébrer notre 50e anniversaire avec notre public.

Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 1er juin 2021. Merci à Gloria Zerbinati.

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