Festival de Rotterdam | Entretien avec Taiki Sakpisit

The Edge of Daybreak est le premier long métrage du Thaïlandais Taiki Sakpisit et c’est l’un des sommets formels de la dernière compétition au Festival de Rotterdam. Mêlant traumas historiques et conte surréel, The Edge of Daybreak a le pouvoir d’un sortilège. Taiki Sakpisit nous en dit davantage sur ce petit bijou.


Quel a été le point de départ de The Edge of Daybreak ?

Je fais des films expérimentaux depuis une dizaine d’années et je débute en général avec un thème et un concept. Dans The Edge of Daybreak, le thème de la paralysie est important actuellement dans le contexte politique thaïlandais ; la paralysie physique mais aussi psychologique et philosophique. Je voulais créer un univers où les ombres profondes jettent des sorts de paralysie émotionnelle sur une famille en particulier, en Thaïlande, durant deux jours critiques en 2006 et 1976. Il y a une présence sinistre qui plane sur cette famille où le patriarche, un militaire, est porté disparu depuis trois ans. Les autres membres sont confrontés aux tourbillons du traumatisme et des cauchemars. C’est le monde gelé des rêves brisés où l’avenir et l’espoir sont obscurcis par de sombres désirs.

The Edge of Daybreak est visuellement magnifique. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre utilisation du noir et blanc dans le film ?

J’ai écrit ce film en noir et blanc et je l’ai abordé non pas stylistiquement mais philosophiquement. La lumière fantomatique, l’ombre parlante et la texture en décomposition ont des propriétés existentielles. Elles deviennent les personnages du film. C’est comme un paysage mental. J’ai tenté de capturer la présence de l’absence.

Quel rôle a joué le montage dans le processus narratif de The Edge of Daybreak ?

Mon monteur Harin Paesongthai et moi-même avons collaboré étroitement pour sculpter le film autour des notions de violence circulaire sous-jacente, de temps suspendu, de malheur imminent et de paralysie du sommeil.

Quel.le.s sont vos cinéastes préféré.e.s et/ou celles et ceux qui vous inspirent ?

Lors de la pré-production de The Edge of Daybreak, ce sont les films que j’ai revisités pour m’inspirer :

Quai des brumes de Marcel Carné (1938)
Vaudou de Jacques Tourneur (1943)
Window Water Baby Moving de Stan Brakhage (1958)
Gertrud de Carl Theodor Dreyer (1964)
La Femme des sables de Hiroshi Teshigahara (1964)
Kwaidan de Masaki Kobayashi (1965)
Le Cochon de Jean Eustache (1970)
La Troisième partie de la nuit de Andrzej Żuławski (1971)
Take the 5:10 to Dreamland – Bruce Conner (1976)
Le Sud de Victor Erice (1983)
Antonio Gaudi de Hiroshi Teshigahara (1984)
In Absentia des frères Quay (2000)

Quelle est la dernière fois où vous avez eu l’impression de voir quelque chose de neuf, de découvrir un nouveau talent ?

Ma dernière découverte exubérante, c’était lors de mon récent voyage de recherche, dans un abattoir du nord-est de la Thaïlande. C’était comme revisiter la scène dans The Edge of Daybreak. L’expérience était surréaliste et onirique.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 15 février 2021.

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