Entretien avec Martina Scarpelli

Une femme est fascinée comme révulsée par un œuf qu’elle s’apprête à gober. C’est le déroutant postulat de Egg, étrange cauchemar aux portes du body horror à la Marina de Van et réalisé par l’Italienne Martina Scarpelli. Ce court primé à Annecy et à voir en bas de cet article (ou sur la chaîne Youtube de Miyu) révèle une personnalité à part que nous vous invitons à découvrir…

Quel a été le point de départ de Egg ?

Egg est une histoire spéciale. J’ai l’habitude de désigner Egg comme une pièce à conviction animée. C’est quelque chose de très personnel et j’ai mis un long moment avant de pouvoir le partager. En 2013, Les Mills et Joanna Quinn dirigeaient un atelier au Experimental Center of Cinematography, en Italie. J’y ai assisté en tant qu’étudiante. Ils nous ont demandé d’écrire 500 mots sur un point déterminant de notre vie et d’en tirer une ébauche d’animation en quelques jours. Et c’est sorti ainsi. Le concept principal du film et les séquences les plus importantes étaient déjà là. Mais je n’étais pas encore prête. Alors j’ai attendu quelques années afin de pouvoir en faire un bon film.

Pourquoi avoir choisi ce type d’animation pour raconter cette histoire ?

Je voulais que le film soit à la fois d’une propreté obsessionnelle et quelque peu dégoûtant. Minimaliste, net, vide et pur au début, sensuel, sombre et inconfortable à la fin. Le style du film est un peu déformé, pas réaliste. Je pense que le rendu est simple, délicat et fort à la fois. Utiliser cette fine ligne noire m’a autorisée à manipuler le corps et utiliser des solutions visuelles pour créer un sentiment de malaise qui ne soit pas directement lié au refus de manger ou à un corps trop maigre. L’animation, comme la fiction, est une construction. Elle donne l’opportunité d’installer la bonne distance vis-à-vis de la réalité et de donner au public l’occasion de comprendre vraiment la protagoniste de l’histoire. C’est aussi un choix formel qui participe à la description de l’état d’esprit des personnages.

Il y a dans Egg une atmosphère cauchemardesque, quelque chose de très viscéral qui m’a rappelé le genre du body horror. Comment avez-vous travaillé sur ce sentiment mystérieux ?

Je pense que le film est porté par une tension grandissante. Il débute doucement, et devient de plus en plus agressif. Je savais que Egg allait être inconfortable, et j’aime quand l’animation est joliment creepy ou bizarre. La protagoniste de Egg est en partie malade, en partie en voie de guérison : on est sur un terrain où l’on ne distingue plus le bien du mal, le plaisir du déplaisir, ce qui engendre une sorte d’angoisse ou un sentiment troublant et inquiétant qui prend le dessus quand on perd le contrôle.

Quels sont vos cinéastes favoris ?

Peter Greenaway, Stanley Kubrick, David Lynch, Lars von Trier, David Fincher, Andrei Tarkovski, Paolo Sorrentino…

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf au cinéma, de découvrir un nouveau talent ?

J’ai vu récemment Ce magnifique gâteau ! d’Emma de Swaef et James Roels. C’était extraordinaire.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 31 octobre 2018. Un grand merci à Luce Grosjean.

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