Entretien avec Johann Lurf

Pour ce Lundi Découverte de Noël, nous vous proposons d’embarquer vers les étoiles ! est un montage d’images de cieux étoilés dans de très nombreux longs métrages. C’est une expérience cosmique en même temps qu’un film sur le cinéma – et l’une des séances les plus singulières de l’année. Nous vous présentons son réalisateur, l’Autrichien Johann Lurf.

est un projet particulièrement inhabituel. Comment est-il né ?
Regarder et analyser des films à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne m’a rendu curieux des différentes méthodes de cinéma, de l’utilisation des images et du but dans lequel elles sont faites. Nous discutions de beaucoup de films avec notre professeur Harun Farocki et nous questionnions tous les éléments d’un film : les angles de caméra, les dialogues, la structure etc. Et puis à un certain point, c’est la simple image d’un ciel nocturne étoilé qui m’a attiré. Je me suis demandé s’il était possible d’apprendre quelque chose sur le cinéma et la culture à partir de cette image minimaliste.

Comment avez-vous procédé pour choisir les extraits que vous vouliez ? Suiviez-vous certaines règles ?
Il fallait s’en tenir à l’image la plus simple : des nuits étoilées exclusivement. Pas d’horizons, pas de lunes, pas d’arbres dans le cadre ou des vaisseaux spatiaux – tout cela aurait détourné notre attention des étoiles. Je voulais également trouver tous les cieux nocturnes et étoilés de l’histoire du cinéma. Mon approche a été assez encyclopédique car j’ai inclus tous les cieux nocturnes et étoilés que j’ai pu trouver, en respectant à chaque fois la durée originale du plan ainsi que le son. Cela signifie que les scènes les plus courtes font seulement 1/24e de seconde, tandis que les plus longues peuvent durer des minutes.

★ pioche en effet dans tous les genres de films. Est-ce pour vous, d’une certaine manière, un film sur le cinéma ?
C’est tout à fait cela, vu d’ailleurs que je n’ai inséré que des films faits pour le cinéma. Je m’intéresse moins à la télévision ou à la VoD. est constitué de longs métrages de cinéma, de courts et de cinéma expérimental. Toutes les formes dramatiques sont les bienvenues : de la romance au thriller en passant par la SF. J’évite les documentaires, mon intérêt se porte sur l’interprétation de ces images qui changent moins que notre environnement direct – car les constellations n’ont pas vraiment évolué depuis des siècles.

Vous avez indiqué que ★ serait un work-in-progress. Avez-vous déjà ajouté de nouveaux films à ★ ?
Oui, chaque année je vais montrer une version légèrement rallongée de qui inclura de nouveaux films de l’année écoulée, ainsi que des scènes du passé découvertes récemment.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre travail concernant le son et la musique dans ★ ?
Le son a été préservé tel qu’il a été pensé initialement, à travers la chronologie du muet puis du mono, puis stéréo, 5.1, 7.1… Le film raconte ainsi une histoire de la technologie au cinéma ; par exemple il n’y avait pas de caisson de basse durant les premières décennies, et après son inclusion, c’est devenu un compagnon constant au cinéma. Le montage est basé sur la durée de l’image, lorsqu’un objet entre dans le cadre, je coupe et enchaine sur le plan suivant. C’est allé si loin que j’ai monté pas mal de génériques, coupé les noms des réalisateurs et acteurs, et réarranger les plans entre eux a créé comme un mashup des musiques accompagnant les génériques. Je travaillais ainsi sur mes courts métrages et cela m’intéresse beaucoup de créer des rythmes et des mélodies à travers le montage.

Quels sont vos réalisateurs favoris ?
J’adore beaucoup de réalisateurs très différents et j’essaie dès que possible d’échapper aux superlatifs, c’est la meilleure façon de découvrir des choses neuves.

Quel est le dernier film où vous avez eu le sentiment de voir quelque chose de neuf ou de découvrir un nouveau talent ?
Brouillard – Passage #14 d’Alexandre Larose m’a donné beaucoup d’inspiration, je pourrais le voir et revoir en boucle !

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 10 décembre 2018.

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