Les Arcs Film Festival | Entretien avec Francesca Mazzoleni

Doublement primée au Festival du Cinéma Italien d’Annecy et couronnée au printemps au Festival Visions du Réel, l’Italienne Francesca Mazzoleni dépeint dans Punta Sacra un quartier au crépuscule, menacé de destruction. Mazzoleni y fait le portrait d’une classe sociale méprisée, oubliée, et qui pourrait bien être emportée par un bulldozer. La cinéaste nous en dit davantage sur son long métrage sélectionné (et visible en ligne) cette semaine aux Arcs Film Festival.


Quel a été le point de départ de Punta Sacra ?

Tout a commencé il y a 8 ans quand je suis allée pour la première fois à Idroscalo di Ostia. Au cours de ces dernières années, j’ai pris conscience de la façon dont cet endroit a toujours été dépeint en termes négatifs, comme un lieu de criminalité et de dégradation. Cette réputation aide les autorités à justifier l’expulsion des familles qui y vivent. Aujourd’hui, beaucoup de familles se battent juste pour garder leurs maisons là-bas : après tout, ce sont elles qui ont pris soin de ce quartier durant toutes ces années. Je voulais montrer ce combat, ainsi que leur courage, leur énergie et leur beauté. Nous avons donc commencé à penser à un documentaire qui pourrait montrer ces familles et leur vie d’un point de vue interne.

Il y a de nombreux moments du film qui sont tournés dans une atmosphère crépusculaire. L’utilisation de la lumière dans Punta Sacra est très expressive. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?

Idroscalo est un peu comme dans les limbes, c’est pourquoi, avec le directeur de la photographie Emanuele Pasquet, nous avons utilisé le crépuscule comme un moyen de représenter cela. Si vous regardez bien Idroscalo, il est facile de voir à quel point cet endroit est magique et unique. L’équipe et moi avions l’habitude de passer beaucoup de temps avec les familles pendant la journée et généralement nous commencions à tourner en fin d’après-midi. Cette attitude a été très utile pour créer une relation forte avec l’ensemble de la communauté. Je voulais utiliser tous les instruments narratifs de cinéma pour communiquer ces sentiments. Je n’ai pas eu l’impression que cette approche formaliste d’un documentaire serait un risque, car montrer cette beauté est pour moi un acte politique.

Dans quelle mesure diriez-vous que la description de ce lieu est une manière de dépeindre la classe sociale en particulier qui y vit ?

Idroscalo di Ostia est l’un des derniers quartiers de Rome de ce type avec des habitations construites par la population elle-même. Les gens qui y ont vécu pendant 60 ans aiment vraiment cet endroit, surtout comparé avec d’autres zones marginales, mais ils ont été oubliés par les institutions. Il est certain que leur dignité en tant que communauté passe en partie par leurs conditions de vie.

Quels sont vos cinéastes favoris et/ou ceux qui vous inspirent ?

Gus Van Sant, Roberto Minervini, Carlos Reygadas, Andrea Arnold…

Quelle est la dernière fois où vous avez eu le sentiment de découvrir un nouveau talent, quelque chose d’inédit à l’écran ?

Au cours des dernières années, j’ai vu plusieurs bons courts métrages de jeunes réalisateurs talentueux, quelques projets expérimentaux intéressants. Je pense qu’en Italie, il y a une nouvelle génération de réalisateurs talentueux. Il est important de trouver une correspondance entre cette génération et un peu de courage, un peu de bravoure de la part des sociétés de production. Il y a une nouvelle vague dans mon pays, sans aucun doute.

Entretien réalisé par Nicolas Bardot le 28 septembre 2020. Un grand merci à Claire Vorger.

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