Critique : Delphine et Carole, insoumuses

La rencontre entre l’actrice mythique Delphine Seyrig et l’artiste Carole Roussopoulos nous conduit au cœur du féminisme des années 1970. Caméra vidéo au poing, elles vont s’engager dans des combats radicaux avec insolence, intransigeance et beaucoup d’humour.

Delphine et Carole, insoumuses
France, 2019
De Callisto McNulty

Durée : 1h18

Sortie : 06/10/2021

Note :

UN CERTAIN REGARD

Constitué entièrement d’images d’archives, Delphine et Carole, insoumuses est un passionnant témoignage féministe qui retrace l’engagement commun de Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos, la caméra au poing. Réalisé par Callisto McNulty, petite-fille de Roussopoulos, Delphine et Carole montre comment les deux artistes sont devenues parmi les pionnières d’un système vidéo inédit qu’elles ont été les deuxièmes à utiliser juste après Godard. Ce qu’aucune image télévisée (ou cinématographique) ne racontera, « c’est avec la vidéo que nous le raconterons ». McNulty raconte comment cette révolution technologique a ouvert une porte vers plus de liberté pour des voix que le système ne voulait jusqu’ici pas entendre. Des prostituées manifestent dans une église ? La caméra de Roussopoulos et Seyrig est là pour relayer leur parole.

Le film pose en effet intelligemment la question de celui qui montre, celui qui filme, celui qui parle – et en l’occurrence ici, fait alors assez rare, celle qui accomplit tout cela. Nous sommes dans une société où des vieux mascu-fragiles décident pour les femmes, y compris sur leur droit à avorter et à disposer de leur propre corps. Nous sommes dans une industrie tenue à tous niveaux par les hommes, comme le témoigne Maria Schneider à la caméra, dans une intervention fracassante déjà citée dans le livre Tu t’appelais Maria Schneider. Comment se réapproprie-t-on son regard ? Comment se réapproprie-t-on sa voix ?

A cet égard, McNulty cite parmi ses influences un autre documentaire passionnant : Ouvrir la voix de Amandine Gay (lire notre entretien). Delphine et Carole, insoumuses est un beau film sur l’écoute féminine. Sur, plus encore que la solidarité, l’entraide des femmes qui doivent compter sur elles-mêmes. Seyrig et Roussopoulos sont des aventurières, à saisir un nouvel outil dont les hommes ne se sont pas encore emparés. Un outil à des fins politiques (« le cinéma de femmes est marginal, et donc politique » comme le commente Marguerite Duras) et Seyrig alors star n’est pas dupe de la défiance que va susciter sa voix forte – de Toscan du Plantier qui refusera de produire un film avec elle à Yves Montand refusant d’apparaître à ses côtés au cinéma. Ce portrait est puissant, galvanisant et in fine particulièrement émouvant.

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par Nicolas Bardot

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