Critique : Tout s’est bien passé

A 85 ans, le père d’Emmanuèle est hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. Quand il se réveille, diminué et dépendant, cet homme curieux de tout, aimant passionnément la vie, demande à sa fille de l’aider à mourir.

Tout s’est bien passé
France, 2021
De François Ozon

Durée : 1h53

Sortie : 22/09/2021

Note :

LE TEMPS QUI RESTE

François Ozon racontait dès son premier long métrage (Sitcom, en 1998) un jeu de massacre familial. Si l’on parle de mort et de lien familiaux dans Tout s’est bien passé, il n’est plus du tout question de jeu. La question sociétale du droit à mourir dans la dignité est ici centrale, à travers un drame émouvant qui, en quelques scènes, parvient à créer l’empathie. C’est l’un des talents magiques du cinéaste : cette dextérité narrative qui réussit à faire naître l’émotion sans qu’on ne distingue les ficelles.

Ce talent de narrateur se retrouve également dans la qualité d’adaptation du livre d’Emmanuèle Bernheim. Autrice, Bernheim était aussi une collaboratrice d’Ozon et a co-écrit entre autres les scénarios de Sous le sable et 5×2. Le récit intime qu’elle livre dans son ouvrage est adapté très fidèlement par le cinéaste. Celui-ci accomplit le même tour-de-force nuancé que pour Été 85 : signer une adaptation extrêmement proche du texte original sans être prisonnier de l’illustration. Tout s’est bien passé parvient par exemple à saisir avec une limpidité et une fluidité remarquables le souffle du récit de Bernheim, une énergie qui prend et qui forme un tourbillon émotionnel.

L’architecture délicate de l’histoire, avec l’insertion de scènes anodines et de réalisme sans artifices, permet d’embrasser la dimension humaine et la dimension pathétique du sujet. Ce n’est pas qu’édifiant, c’est aussi très vivant, et Ozon sait ajouter des touches d’humour le temps d’un dialogue ou d’un détail qui n’étaient pas nécessairement présents dans le livre. On sait aussi que le cinéaste est l’un des meilleurs directeurs d’acteurs vivants ; on peut dire qu’après plusieurs décennies de carrière, on n’a peut-être jamais vu Sophie Marceau aussi convaincante qu’ici, entourée d’un cast brillant (Dussollier, Pailhas, Rampling, Schygulla).

De par son sujet, Tout s’est bien passé n’est évidemment pas l’explosion pop et immédiatement iconoclaste qui caractérise une partie de sa filmographie. Mais, comme le rappelle l’une des protagonistes, il y a bien des couleurs dans le gris. Quels cinéastes seraient aussi à l’aise dans le chatoiement camp de 8 femmes ou Potiche que dans des drames subtils comme Grâce à Dieu ou Tout s’est bien passé ? Combien de films français tentent cette approche dite de « drame réaliste à sujet » sans arriver à la cheville de ce qu’Ozon mène à bien ? Il y a ici à l’œuvre un poignant relief invisible, une autre manière d’être iconoclaste tout en s’adressant au plus grand nombre. C’est une nouvelle réussite d’un de nos cinéastes les plus précieux.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article