Critique : L’Indomptable feu du printemps

Dans un village du Lesotho, une veuve de 80 ans se prépare à la mort et organise son propre enterrement, mais les autorités prévoient de construire un réservoir sur le cimetière sacré. Elle décide alors de défendre l’héritage spirituel de sa communauté.

L’Indomptable feu du printemps
Lesotho, 2019
De Lemohang Jeremiah Mosese

Durée : 1h59

Sortie : 28/07/2021

Note :

S’EN FOUT LA MORT

On a pu découvrir Lemohang Jeremiah Mosese, originaire du Lesotho, avec son précédent film, Mother, I Am Suffocating, sélectionné à la Berlinale. Le titre original de son nouveau long métrage est tout aussi lyrique (This Is Not a Burial, It’s a Resurrection) et son héroïne de 80 ans pourrait elle aussi suffoquer. Mais ce n’est pas le cas, malgré les circonstances traumatisantes racontées dans le film. Sortant en France sous le titre L’Indomptable feu du printemps, ce long métrage est de toute façon à mille lieues du drame social qui documente. Quasi-immédiatement, le récit prend une dimension légendaire. Cette légende est partagée avec nous en secret, par un conteur. Un lent pano glisse dans un lieu traversé de couleurs et rempli par ses mots.

L’Indomptable feu du printemps est un récit sur une femme, sur un lieu ; sur l’identité et la mémoire qui lui sont propres. Mais il semble réducteur de limiter le film à son sujet. « La réalité s’éloigne progressivement », note un protagoniste. La pure dimension poétique de L’Indomptable feu prend énormément de place – et c’est aussi une manière d’aborder ses sujets. Comment Lemohang Jeremiah Mosese habite et incarne l’espace : cette nature majestueuse balayée par les mouvements hypnotiques de la caméra, la beauté pastorale des champs de fleurs, les cieux roses immenses. Les sentiments sont directement liés au décor, dans cette vallée de larmes – littéralement.

Tout peut bien disparaître pourtant : un fils, des tombes, un village entier menacé par la construction d’un barrage. « Les morts enterrent leurs propres morts ». Tout sera emporté par les inondations, tout est soumis aux flammes. Lemohang Jeremiah Mosese examine ce cycle avec une lenteur introspective. Il emprunte autant au concret qu’à l’abstrait : les images réalistes peuvent contraster avec le ton de légende, le son disparaît et réapparaît comme un ressac. Il y a des fulgurances cinégéniques dans L’Indomptable feu du printemps, comme lors d’un orage nocturne. Mais aussi quelque chose de politique comme quand, à l’image d’un Pedro Costa, le cinéaste filme la marge pour lui donner les dimensions d’un mythe.

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par Nicolas Bardot

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