Festival de Rotterdam | Critique : The Edge of Daybreak

Années 90, Ploy est une star montante du cinéma. Elle reçoit un appel téléphonique concernant Pailin, sa mère dont elle s’est éloignée. À l’hôpital, mère et fille tentent de se réconcilier. Pailin confie à Ploy un album photos de son passé. Dans les années 70, quelque part dans un village isolé au bord de la frontière entre la Thaïlande et le Laos, une météorite tombe dans un étang…

The Edge of Daybreak
Thaïlande, 2021
De Taiki Sakpisit

Durée : 1h54

Sortie : –

Note :

BERCEUSE POUR UN SOMBRE MYSTÈRE

S’il fallait trouver un air de famille à The Edge of Daybreak du Thaïlandais Taiki Sakpisit, il faudrait peut-être aller jusqu’aux Philippines, du côté du cinéma de Lav Diaz. Comme chez Diaz, Sakpisit traite ici d’une histoire politique violente, mais dont les contours sont souvent allégoriques. Comme chez Diaz bien sûr il y a ce noir & blanc mais surtout son utilisation hypnotique. The Edge of Daybreak rappelle Halte avec ce monde frappé par une nuit permanente, où il suffit que les personnages osent regarder le ciel pour que le jour fébrile menace de s’assombrir.

The Edge of Daybreak débute comme un conte mais son récit sera pourtant très cryptique. Le film est immersif comme peut l’être une installation vidéo, et à vrai dire à peine narratif. Si le déroulé de l’histoire peut paraître confus, le film embrasse précisément sa dimension mystérieuse. Les personnages sommeillent dans The Edge, et Sakpisit nous invite dans cet état hypnotique. Muet ou chuchoté, le long métrage ne souhaite pas déranger notre état de sidération.

Tout ou presque dans The Edge of Daybreak passe par l’œil de Taiki Sakpisit (et celui de sa directrice de la photographie, la brillante Chananun Chotrungroj qui a travaillé entre autres sur Karaoke Girl ou La Troisième femme). Il n’y a pas de manifestation surnaturelle à proprement parler dans le film, mais la mise en scène installe une perpétuelle tension fantastique. On ne sait plus si l’on observe des fantômes ou des vivants, les lieux abandonnés sont regardés comme hantés : ce cinéma-là a le pouvoir d’un sortilège.

On parlait plus haut de l’abstraction narrative de The Edge of Daybreak : c’est avant tout la mise en scène qui exprime l’histoire, les sentiments et les dynamiques des personnages. Qu’est-ce que ce puissant et aveuglant jeu de contraste entre le noir et blanc dit dans The Edge of Daybreak ? Qu’est-ce que la mise en scène des personnages dans l’espace raconte dans le long métrage ? On parle ici d’une bête effrayante qui avale tout, là d’un cobra qui s’est glissé dans la maison. Des fables reliées au réel par un fil invisible dans ce film poétique et stupéfiant de beauté.

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par Nicolas Bardot

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