Critique : Sundown

Une riche famille anglaise passe de luxueuses vacances à Acapulco quand l’annonce d’un décès les force à rentrer d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil affirme qu’il a oublié son passeport dans sa chambre d’hôtel. En rentrant de l’aéroport, il demande à son taxi de le déposer dans une modeste « pension » d’Acapulco…

Sundown
Mexique, 2021
De Michel Franco

Durée : 1h23

Sortie : 27/07/2022

Note :

ULTIME DÉSOBÉISSANCE

Chronic a beau avoir remporté le prix du meilleur scénario à Cannes en 2015, celui-ci demeure à nos yeux le film le moins intéressant de Michel Franco. On ne savait donc pas trop quoi attendre de ces retrouvailles, sept ans plus tard, du cinéaste mexicain (pour ce qui est seulement son deuxième film en anglais) et de l’acteur britannique Tim Roth. Or, la surpris est bonne. D’une part car l’artificialité faussement radicale de Chronic laisse place ici à un minimalisme aussi bienvenu qu’étonnant. D’autre part car, après la très éprouvante violence de sa dystopie politique choc Nouvel ordre (Lion d’argent à Venise 2020 et pourtant toujours inédit dans nos salles), Franco revient avec un film certes malaisant mais au moins un peu plus agréable à regarder dans les yeux.

Sundown se déroule dans le cadre paradisiaque des plages d’Acapulco. Neil/Tim Roth passe des vacances avec sa famille dans un hôtel particulièrement confortable, où tous comptent bien profiter du moindre petit luxe mis à leur disposition. La richesse déployée à l’écran n’est pas forcément vulgaire, et Charlotte Gainsbourg joue d’ailleurs les millionnaires discrètes avec l’élégance qu’on lui connait, mais on se doute que chez Franco, les riches, les touristes et autres parasites vont devoir payer le prix de leur trop grande insouciance. Il y a quelque chose de légèrement bizarre dans les rapports familiaux pourtant très polis, un décalage qui ne s’explique pas tout de suite. Le film n’a pas besoin de beaucoup pour faire naitre une tension sur ces vacances de rêves, mais l’étincelle n’est pas pour autant celle que l’on attend.

Sundown signifie coucher de soleil, et cela s’applique d’abord au funeste coup de fil que reçoit le personnage de Charlotte Gainsbourg, lui annonçant le décès maternel. Elle décide de prendre le premier avion de retour, tandis que Neil trouve un prétexte pour ne pas rentrer par le même avion. Et après… rien, ou presque. Il vaut mieux ne pas dévoiler la suite, mais pas dans le sens où elle serait riche d’événements spectaculaires. C’est plutôt l’inverse. Sans jamais donner d’explication psychologique, Sundown nous laisse suivre le quotidien tranquille de Neil qui décide de poursuivre ses vacances sans sa famille.

En un sens, Neil ressemble à Abril, l’héroïne des Filles d’Avril qui choquait déjà par son égoïsme inexpliqué. L’absence de clarification de la situation de Neil, l’absence de conséquences à son comportement démissionnaire, le ressac des vagues au bord de la plage jour après jour, cela est suffisant pour que Franco bâtisse une tension aussi étonnante que dérangeante. En arrière plan de son mystérieux protagoniste, il compose le portrait d’une ville faussement joyeuse, où la violence se cache derrière des couleurs vives et l’accueil chaleureux des visiteurs. Métaphore de l’impasse de la consommation capitaliste ? Du suicide ? Sur qui se couche vraiment le soleil du titre ? Sundown est une énigme d’une douceur et d’une tristesse inattendue, tant mieux.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article