Critique : Sous les figues

Au milieu des figuiers, pendant la récolte estivale, de jeunes femmes et hommes cultivent de nouveaux sentiments, se courtisent, tentent de se comprendre, nouent – et fuient – des relations plus profondes.

Sous les figues
Tunisie, 2022
De Erige Sehiri

Durée : 1h32

Sortie : 07/12/2022

Note :

DES JOURNÉES ENTIÈRES DANS LES ARBRES

Une ligne distingue la terre et le ciel lors du premier plan de Sous les figues. C’est l’aube et la journée de travail débute pour les protagonistes de la première fiction signée par la Franco-Tunisienne Erige Sehiri (lire notre entretien). La cinéaste filme les visages, jeunes ou moins jeunes, des hommes et des femmes transporté.es dans une camionnette. C’est très simple et épuré, parfois même très factuel : comment récolte-t-on correctement les figues ? Comment les discussions triviales émaillent-elles cette journée ?

Certes, le dispositif de Sous les figues est simple (une unité de temps, une unité de lieu, pas d’événements particulièrement spectaculaires) mais il est aussi radical. De quelle manière Sehiri, par la finesse de son écriture, parvient-elle à tenir un récit aussi ténu ? Comment réussit-elle à filmer un huis-clos dans un décor en plein air ? Les rayons du soleil passent à travers les branches et cette lumière est séduisante. Mais la canopée, si elle est un cocon qui protège, est aussi un plafond qui bouche l’horizon et dont les personnages cherchent à s’affranchir.

Au sujet de la façon dont la cinéaste filme ses figuiers, celle-ci commente : « Je crois que c’est très représentatif du pays. Nous vivons dans un beau pays, avec une belle lumière, mais à l’intérieur, dans les régions rurales, les jeunes étouffent ». Les adolescents que Sehiri dépeint sont comme des fruits, ils sont en devenir, en train de mûrir. Mais il y a chez la réalisatrice un regard riche et chaleureux qui n’a rien d’une carte postale.

Cela peut être anecdotique : on a des discussions amoureuses, on regarde Instagram. À côté, d’autres prient. Erige Sehiri raconte une bulle, un microcosme presque sous cloche, tout en racontant l’extérieur : les espoirs, la vie ailleurs, le monde. Le film est doux, mais il n’est pas utopique : ce verger bucolique est aussi un lieu où s’exerce la violence sociale. La lumière décline, la journée est passée – mais les personnages comme les spectateurs sont un peu changés.

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par Nicolas Bardot

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