A voir en ligne | Critique : So Long, My Son

Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment un couple heureux. Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine.

So Long, My Son
Chine, 2019
De Wang Xiaoshuai

Durée : 3h05

Sortie : 03/07/2019

Note : 

FILS UNIQUE

A l’ombre d’un grand formaliste comme Jia Zhang-Ke ou de la dimension sentimentale d’un Lou Ye, Wang Xiaoshuai n’est pas le cinéaste chinois de la 6e génération qui est le plus sorti du rang, malgré les belles carrières en festivals de films tels que Beijing Bicycle ou Shanghai Dreams. Peut-être en raison de son classicisme, qui flirtait avec l’académisme sur certains de ses derniers longs métrages (l’esthétique ripolinée de 11 fleurs). So Long, My Son est, à nos yeux, son oeuvre la plus accomplie, et peut-être la plus ambitieuse.

So Long, My Son est un grand mélodrame de 3 heures qui raconte les destins croisés de multiples personnages sur plusieurs décennies en Chine. C’est (forcément ?) un drame politique, qui ici traite plus particulièrement de la politique de l’enfant unique, mise en oeuvre de 1979 à 2015. Mais le film n’affiche pas immédiatement son propos, à l’image de la caméra qui, au début du film, progresse tout doucement dans l’appartement pour saisir une scène de famille quotidienne. So Long, My Son est un slowburner qui abat ses cartes avec minutie, une à une.

Des années 80 à aujourd’hui, à travers les divers portraits de familles réalisés, Wang Xiaoshuai fait aussi un portrait de la Chine. Du strict carcan politique, du fossé entre la Chine rurale et la Chine urbaine (« c’est comme vivre dans un pays étranger« ), de la Chine mutante (et ses lieux dont le visage est devenu méconnaissable). Mais s’il n’y a plus de trace physique du passé, les traces psychologiques et émotionnelles ne s’effacent pas avec une pelleteuse.

C’est une photo de groupe (d’un pays, d’une société, de familles) qui se resserre sur l’individu. On suit ici des personnages qui obéissent aux règles d’une société et qui ne peuvent en aucun cas y échapper. L’un des moteurs narratifs qui fait le lien sensible entre le politique et le mélodramatique est le traitement de l’influence du groupe sur l’individu. Sur les règles qui brisent et concassent, qu’elles s’appliquent à l’hôpital, à l’usine ou lors de jeux entre garçonnets. Quelle place pour l’individu lorsque la structure est aussi pesante ? « L’homme planifie, Dieu rit » comme dit le proverbe.

C’est cette émouvante dimension tragique qui se déploie peu à peu dans So Long, My Son. Le film fait un travail à la fois subtil (par l’image signée Kim Hyung-seok et surtout par le montage virtuose du toujours excellent Lee Chatametikool) et en même temps très généreux sur l’émotion. Celle-ci éclate lors d’un finale extrêmement mélodramatique, mais avec la distance douce-amère idéale. So Long, My Son, comme autant de petits cailloux, est parsemé de chansons sur le temps qui passe. Wang Xiaoshuai en filme les cicatrices avec une bouleversante élégance.


>>> So Long, My Son est visible en ligne sur UniversCiné

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par Nicolas Bardot

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