Festival de Séville | Critique : Scary Mother

Manana, une femme au foyer de 50 ans, est en plein dilemme: elle doit choisir entre sa vie de famille et sa passion pour l’écriture qu’elle a réprimée pendant des années. Lorsqu’elle décide de suivre enfin sa passion, elle y sacrifie tout, mentalement et physiquement.

Scary Mother
Géorgie, 2017
De Ana Urushadze

Durée : 1h47

Sortie : –

Note : 

MAMAN, C’EST UN ENCHANTEMENT

L’an passé sortait en France le Géorgien Une famille heureuse de Nana Ekvtimishvili et Simon Groß, dans lequel une mère annonçait à sa famille son intention de divorcer après 25 ans de mariage pour s’installer seule. Scary Mother, premier long métrage d’Ana Urushadze, raconte une histoire curieusement voisine avec cette mère de famille qui a à peu près le même âge que l’héroïne d’Une famille heureuse, et qui elle aussi va devoir choisir entre sa famille et son désir d’émancipation. Plus précisément, ici, sa passion : l’écriture. Si le classicisme d’Une famille heureuse laissait parfois un peu de place à l’inattendu, Scary Mother est entièrement gouverné par une étrangeté, comme une sorte de poupée gigogne dont le visage se révèle étonnamment grimaçant.

Car on a beau parler de maman flippante dans le titre, le film de Ana Urushadze a quelque chose d’assez drôle tout en jouant en permanence sur un sentiment d’inconfort. Ce mélange de malice et de malaise est une des forces de ce premier long métrage qui ne se repose jamais paresseusement dans une seule case. Car dans Scary Mother, on évoque en creux le besoin d’un lieu à soi façon Virginia Woolf comme le folklore monstrueux philippin (maman est-elle un Manananggal, cette vieille femme-vampire et qu’on imagine, elle, vraiment scary?).

La réalisatrice observe avec un mélange rare de subtilité et de goût pour la farce la condition de la femme et de la mère, la pression patriarcale comme celle de la famille – comment maman doit seule prendre en charge la mission de sauver les apparences et est priée de ne pas devenir folle.

Nata Murvanidze, en permanence mortifiée, porte le film avec une prestation qui tient autant de la tragédienne que d’un curieux tempérament comique. Car on finit par ne plus savoir si les gens ici sont tristement terre-à-terre ou tous un peu perchés, à l’image de ce dénouement super-gonflé qui pourrait être un signe de réconfort… ou qui au contraire souligne la solitude du personnage principal. Dans Scary Mother, les sourires semblent toujours à deux doigts d’éclater en mille morceaux de verre. Quel est le prix de l’épanouissement, de la réalisation de soi ? Ana Urushadze n’apporte pas de réponse facile dans ce premier film prometteur qui révèle une vraie personnalité.

par Nicolas Bardot

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