TIFF 2022 | Critique : Reflection

Serhiy, chirurgien ukrainien, est capturé par les forces militaires russes dans une zone de conflit, à l’est de l’Ukraine. En captivité, il est exposé aux humiliations et à la violence.

Reflection
Ukraine, 2021
De Valentyn Vasyanovych

Durée : 2h05

Sortie : –

Note :

MIROIR NOIR

Dans Reflection, il y a une scène où des personnages font une partie de paintball. Mourir est alors juste un loisir qui ne laisse que quelques traces multicolores sur le corps, et les cris traduisent avant tout l’excitation. Mais non loin de ce petit jeu de massacre se joue un massacre réel – la guerre que Valentyn Vasyanovych racontait déjà dans son impressionnant Atlantis, resté inédit dans les salles françaises. Reflection parle à nouveau de conflit entre Ukraine et Russie ; un conflit qui bien évidemment n’a rien d’un jeu.

On reconnaît le style du cinéaste ukrainien, avec son goût pour des tableaux fixes. Le dispositif voyant pourrait cadenasser le film, le rendre programmatique, le priver de trouble. Mais Vasyanovych sait s’en servir pour raconter une histoire. La remarquable composition des plans, le travail sur la profondeur de champ, l’utilisation de la lumière : autant de richesse expressive qui évite au film d’être en mode automatique. Il y a beaucoup de talent dans chaque plan, deux heures durant : peut-on dire cela de tous les films ?

Cette mise en scène intransigeante participe à l’écriture de Reflection. Vasyanovych parvient à créer un sentiment d’empathie qui permet au film de ne pas s’enfermer dans le torture-porn. Le cinéaste raconte la guerre, mais le peut-il vraiment ? Il y a une multitude d’écrans dans Reflection : la vitre qui nous sépare du paintball, la vitre d’un bloc opératoire, une baie vitrée sur la ville, un pare-brise rayé. On peut certes voir au travers mais à distance, comme si nous ne pouvions de toute façon pas comprendre l’horreur représentée.

Cette succession d’écrans souligne naturellement la solitude dans laquelle se retrouve le protagoniste. Celui-ci se retrouve confronté à ses propres fantômes, et au traumatisme de la violence. Reflection s’intéresse à la vie d’après, mais celle-ci a quelque chose de spectral, désincarné. S’il y a une rigidité dans la mise en scène de Vasyanovych, si le climat est froid, la densité de l’atmosphère ainsi que le ton général du film à la fois mélancolique et désabusé en font une expérience qui va au-delà du (brillant) exercice de style et le rendent plus humain.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Nicolas Bardot

Partagez cet article