A voir en ligne | Critique : Overseas

Aux Philippines, on déploie les femmes en masse à l’étranger comme aides ménagères ou nounous. Elles laissent souvent derrière elles leurs propres enfants, avant de se jeter dans l’inconnu. Dans un centre de formation au travail domestique, comme tant d’autres aux Philippines, un groupe de candidates au départ se préparent au mal du pays et aux maltraitances qui pourraient les atteindre. Lors d’exercices de jeux de rôles, les femmes se mettent tant dans la peau de l’employée que des employeu.r.se.s…

Overseas
Belgique, 2019
De Sung-A Yoon

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

BONNES ACTRICES

Overseas est le second long métrage de la Française d’origine coréenne Sung-A Yoon (lire notre entretien). Ce documentaire traite du déracinement de nombreuses femmes philippines envoyées à l’étranger afin de gagner de l’argent pour leurs familles. La première scène met en scène une jeune femme qui ne parvient pas à retenir ses larmes et le film va, en effet, montrer les effets désastreux du rouleau compresseur de la globalisation. Ces femmes sont envoyées au Liban ou à Singapour, à Dubaï ou à Hong-Kong, pour exercer un métier certes mais dont les frontières avec l’esclavage sont souvent floues.

Dans Overseas, Sung-A Yoon filme un centre de formation où les domestiques vont apprendre leur métier. Comment faire correctement un lit, comment nettoyer bébé… Mais les choses seront plus complexes et tordues que cela. On entre dans une maison témoin sans propriétaires, on pourrait presque y croiser les Bonnes de Genet jouant des rôles dans leur maison vide. Des rôles, effectivement, car plus que des techniques pour effacer les taches récalcitrantes, les femmes vont devoir apprendre à se contenir et à jouer. A réagir aux abus de puissants estimant qu’elles doivent être entièrement à disposition, qu’elles peuvent être agressées sexuellement, voire même tuées en toute impunité.

Ce qui est décrit est parfaitement glaçant, mais Sung-A Yoon réussit le petit miracle de ne pas sombrer dans le pathos. « A l’étranger, on est comme des robots » confesse l’une des Philippines. Mais celles-ci ne sont jamais regardées comme des victimes abstraites et anonymes. Les larmes sont souvent voilées d’un sourire dans ce film qui sait regarder là où le cœur bat. C’est parfois drôle, comme quand on s’exerce sur un bébé en plastique dont les yeux rouges donnent l’impression de baigner Satan, ou quand on s’entraine sur un mannequin démantibulé censé représenter l’impitoyable maîtresse de maison. Et c’est souvent bouleversant lorsque Yoon écoute ces femmes parler de leurs solitudes respectives dans un monde qui ne les considère que comme des silhouettes.


>>> Overseas est à visible librement jusqu’au 2 août 2020 sur le replay de France Télévisions

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par Nicolas Bardot

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