Critique : Oray

Lors d’une dispute, Oray répète trois fois le mot talâq à sa femme Burcu ce qui, dans la loi islamique, signifie la répudiation. Fervent pratiquant, il va chercher conseil auprès de l’imam de sa ville qui lui impose une séparation de trois mois. Il profite de cette décision pour partir vivre à Cologne et y construire une nouvelle vie pour Burcu et lui. L’imam de sa nouvelle communauté, ayant une vision plus rigoriste de la loi islamique, lui intime de divorcer. Oray se retrouve alors tiraillé entre son amour pour sa femme et sa ferveur religieuse.

Oray
Allemagne, 2019
De Mehmet Akif Büyükatalay

Durée : 1h37

Sortie : 27/10/2021

Note :

AU NOM DE LA FOI

Prix du meilleur premier long métrage à la Berlinale, Grand Prix au Festival Premiers Plans d’Angers, Oray de l’Allemand Mehmet Akif Büyükatalay est une découverte en vue depuis quelque temps en festivals. Derrière le classicisme formel d’Oray qui peut ressembler à de nombreux drames sociaux, il y a effectivement un ton plutôt singulier, un talent pour la nuance et les ambivalences, une façon plutôt prometteuse de mener un récit sans chercher à tout prix à se mettre le public dans la poche.

Car le héros d’Oray n’est pas particulièrement sympathique. Le motif de la dispute qui l’oppose à sa femme est pathétique (Oray voulait, comme un ado un peu attardé, lui cracher dessus pour rire), son attitude vis-à-vis d’elle est pour le moins discutable – on a souvent l’impression d’avoir affaire à une brute plus qu’à une lumière. Au-delà du cadre religieux abordé par le film, Oray semble poser aussi la question de l’infantilité masculine : face à sa femme bien plus mature et avancée que lui mais aussi, plus largement, face aux responsabilités qu’il refuse d’endosser.

Oray raconte le dilemme religieux qui tourmente le jeune homme. Comment Oray peut-il accorder les règles de l’Islam à sa vie de tous les jours ? Quelle place laisser aux teintes de gris, quelle place pour la complexité humaine lorsqu’on ne parle que de choix binaires ? Oray peut, dans le film, répéter les mêmes phrases mais les entend-il seulement ? Mehmet Akif Büyükatalay laisse de l’espace pour les spectateurs dans ce portrait complexe d’un antihéros rempli de certitudes mais confronté à ses doutes, tandis qu’autour de lui le monde avance sans l’attendre.

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par Nicolas Bardot

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