DVD | Critique : La Femme des steppes, le flic et l’œuf

Le corps d’une femme est retrouvé au milieu de la steppe mongole. Un policier novice est désigné pour monter la garde sur les lieux du crime. Dans cette région sauvage, une jeune bergère, malicieuse et indépendante, vient l’aider à se protéger du froid et des loups. Le lendemain matin, l’enquête suit son cours, la bergère retourne à sa vie libre mais quelque chose aura changé.

La Femme des steppes, le flic et l’œuf
Mongolie, 2019
De Wang Quanan

Durée : 1h40

Sortie : 19/08/2020 (sortie salles) 01/12/2020 (dvd)

Note : 

BEAU TEMPS

Ours d’or pour le beau mais plutôt classique Le Mariage de Tuya, on n’attendait pas forcément le Chinois Wang Quanan (lire notre entretien) sur un film aussi curieux que La Femme des steppes, le flic et l’œuf (Öndög en vo). Cette coproduction entre la Mongolie et la Chine s’ouvre un argument de thriller : un corps est mystérieusement retrouvé, abandonné dans la nature. Mais c’est déjà une déroutante surprise : au ton badin de flics au volant succède cette vision comme une anomalie – un cadavre perdu en pleine nature, dans un absolu no man’s land.

Attention, prévient-on : « ce qu’on voit avec nos yeux humains n’est pas toujours réel« . La Femme des steppes, le flic et l’œuf pourrait être sérieux comme un pape, mais le film est finalement assez joueur. Il nous promène dans ces steppes à perte de vue, panote, panote et panote jusqu’au vertige. La Femme des steppes… flirte avec la fable surréaliste dans ce décor d’une beauté absurde. Et que Wang embrasse comme fasciné : la lumière, du petit matin ou du crépuscule, est à tomber à la renverse, et le ciel occupe souvent 75% de l’écran jusqu’à nous propulser dans les nuages. Quelques lignes abstraites, comme un tableau de Rothko.

A cette contemplation se greffe une étrange poésie. Celle du décalage, lorsqu’un morceau inattendu résonne dans la nuit mongole. Ou lorsque l’on lance des pistes cosmiques sur la disparition des dinosaures. Mais ont-ils réellement disparu ? Wang ne signe pas pour autant un film aux très sérieux questionnements métaphysiques. Il y a en fait un regard simple sur le temps et son écoulement, sur ces dinosaures que sont les humains qui continuent à vivre, à rire et à baiser dans leur yourte. C’est aussi léger et profond que cela. Aussi beau et gracieux aussi.


••• L’édition dvd de La Femme des steppes, le flic et l’œuf est principalement agrémentée de deux bonus.

Le premier est la masterclass exceptionnelle que le réalisateur Wang Quanan a donnée lors de son passage au Festival Un état du monde, l’an passé, au Forum des Images, où il était l’invité d’honneur. Ce long entretien est modéré par le journaliste Pascal Mérigeau. Wang revient sur ses années de formation et l’influence du cinéma européen sur ses créations. Il évoque ses tournages en Mongolie et son désir de trouver un autre rapport à la nature et à l’environnement, hors du cadre citadin. Wang revient sur l’implication importante de son directeur de la photographie Aymerick Pilarski sur la conception de La Femme des steppes, le flic et l’œuf, ainsi que sur la liberté ressentie sur ce tournage en équipe réduite.

L’autre bonus est un entretien passionnant d’une vingtaine de minutes avec le directeur de la photographie Aymerick Pilarski. Celui-ci revient sur son expérience de touche-à-tout, quel que soit le genre, le budget ou le continent où il tourne. Pilarski compare ses expériences plus instinctives sur des tournages chinois à celles qu’il décrit comme plus carrées sur des projets occidentaux. Il explique ses essais plastiques dans la steppe, l’esthétique lunaire recherchée par Wang, et évoque le défi que représente un tournage sans scénario extrêmement précis – ou comment Wang Quanan souhaite raconter visuellement son histoire. L’autre défi du film sur lequel Pilarski s’étend, ce sont les conditions climatiques assez extrêmes auxquelles il a été confronté durant ce tournage.

Ce dvd est édité par Diaphana.

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par Nicolas Bardot

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