A voir en ligne | Critique : Après la nuit

Dana et Arthur, la quarantaine, sont mariés depuis près de dix ans. Mais quelque chose s’est fissuré, à cause de leurs besoins, de leurs croyances, de ce que la vie leur offre, de leurs démons intimes. Un jour, ils devront décider si laisser partir l’autre n’est finalement pas la plus grande des preuves d’amour.

Après la nuit
Roumanie, 2019
De Marius Olteanu

Durée : 1h56

Sortie : 18/12/2019

Note :

UN MONSTRE A MILLE TÊTES

Arrivée à la gare, Dana saute dans un taxi, mais une fois arrivée à destination, la voilà prise d’une invincible réluctance au moment d’en sortir. Dana est incapable d’aller affronter ce qui l’attend, au point de payer le chauffeur pour tourner autour de son immeuble la nuit entière. Qui est le monstre qu’elle redoute de retrouver ? Au téléphone qui n’arrête pas de sonner, elle bredouille de fausses excuses qui ne trompent guère. Serait-ce elle, le monstre lâche qui ne sait que fuir la réalité ? Le cadre de l’image est serré, enfermant encore davantage Dana dans ce taxi sans destination, où mêmes les stations de radio n’arrêtent pas de sauter. Dès cette passionnante scène d’ouverture, avec une excitante économie de dialogues et un imposant sens du rythme, Après la nuit (connu jusqu’ici sous son titre international bien différent, Monsters) nous colle d’emblée aux basques de son héroïne. Quitte à l’abandonner entièrement juste après.

Commence alors la deuxième partie du film. On quitte Dana pour retrouver son mari, Arthur. Le temps d’une conversation téléphonique, on comprend que lui aussi préfère mentir sur ses activités pour préserver les apparences de son couple. Arthur n’est pas chez lui non plus, il est chez un mec rencontré sur une appli de drague. Tout comme Dana, cet inconnu a lui aussi besoin de se confier. Mais peut-on vraiment parler de rencontre affectueuse quand le dialogue a autant de mal à passer qu’entre Arthur et son amant coincé et relou ? Écrite et mise en scène avec le même talent que la première partie, cette dernière laisse plus de place à des variations de registres, donnant lieu à un humour grinçant et bien présent.

Qui sont les monstres du titre? Arthur et Dana ou bien tous ceux qui les entourent ? Voisins trop curieux, famille qui ne veut que leur bien, amants incapables d’offrir de la tendresse ? Le monstre c’est la société entière, qui les pousse à refouler (les deux parties se déroulent de nuit, ce n’est pas un hasard) ce qui est considéré comme tabou : le rejet de la maternité, la bisexualité, et tout ce qui déborde trop du cadre social traditionnel. Bucarest est également un monstre, explique le réalisateur Marius Olteanu (lire notre entretien) : aucune communication ni échange entre les logements communistes exigus hérités des années 70 et les intérieurs bourgeois qui ont autant de personnalité qu’une page de catalogue. Que chacun tienne son rôle et reste à sa place, au propre comme au figuré.


>> Après la nuit est visible en vod sur UniversCiné

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par Gregory Coutaut

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