Critique : Malintzin 17

Pendant sept jours et sept nuits, Eugenio Polgovsky a filmé depuis son appartement du deuxième étage un oiseau couvant sur son nid. Avec sa fille Milena, ils observent la vie du quartier.

Malintzin 17
Mexique, 2022
De Eugenio & Mara Polgovsky

Durée : 1h04

Sortie : –

Note :

UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE CORPS D’UN OISEAU

C’est un dispositif tout simple – tellement simple que le mot « dispositif » paraît déplacé. Un père filme la rue depuis le balcon de son appartement, au deuxième étage d’un immeuble, dans une ville au Mexique. Il filme un oiseau qui couve dans son nid. Il filme la vie autour : les écureuils qui bondissent, les livreurs et les balayeurs qui passent et repassent. Les jours se suivent, la nuit tombe, les orages éclatent.

Ce sont des plans souvent parfaitement anecdotiques – mais qui ici se chargent d’un autre sens. Car le jeune cinéaste mexicain Eugenio Polgovsky (qu’on connaît en France notamment pour Los Herederos – Les Enfants héritiers, sorti chez nous il y a une dizaine d’années) est décédé brutalement, peu de temps après avoir tourné ces images. Celles-ci ont été retrouvées et montées par sa sœur, Mara. Le journal sur un balcon prend une dimension différente : celle d’un petit testament, une lettre laissée après son départ.

Ce sentiment est renforcé par la place prise dans le long métrage par sa fille, Milena. Celle-ci est filmée par Polgovsky, réagit à tout ce qui se passe dans la rue. Intentionnellement ou non, Malintzin 17 parvient à être une œuvre émouvante sur la transmission. Avec une étrange ironie, il y a des métaphores qui semblent crever les yeux : la caméra qui s’attarde sur de longs fils et câbles ininterrompus, qui se croisent et se suivent ; ou évidemment l’oiseau qui couve son petit jusqu’à laisser un nid vide – comme des archétypes qui s’imposent d’eux-mêmes à l’image. Mais la transmission ici ne passe pas par d’épaisses leçons de vie.

Il n’y a pas de leçon de vie Malintzin 17 – comme il y en a assez peu dans la vie elle-même. Le film nous épargne ce genre de stéréotypes infantilisants, comme il nous dispense de ces clichés toxiques de pères de cinéma qu’on nous ressert avec complaisance depuis une éternité. Ce qu’il y a à apprendre, ou peut-être juste à partager, à retenir, est là, sans événement spectaculaire. Tourné en quelques jours, Malintzin 17 n’a besoin d’aucun artifice pour délivrer un récit aussi humble que profond, riche que minimaliste.

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par Nicolas Bardot

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