Critique : Madame Hyde

Une timide professeure de physique dans un lycée de banlieue est méprisée par ses élèves. Un jour, elle est foudroyée pendant une expérience dans son laboratoire et sent en elle une énergie nouvelle, mystérieuse et dangereuse…

Madame Hyde
France, 2017
De Serge Bozon

Durée : 1h35

Sortie : 28/03/2018

Note : 

DERRIÈRE MON LOUP, JE FAIS CE QUI ME PLAIT

Cela pourrait ressembler à une blague alcoolisée de fin de soirée (Isabelle Huppert jouant Professeur Géquil et Madame Hyde dans une relecture contemporaine de Stevenson) finissant en meme décliné à l’infini sur Twitter. Mais la beauté lunaire du nouveau film de Serge Bozon est effectivement de prendre cette blague au sérieux et d’en faire un film – un vrai. Isabelle Huppert incarne effectivement une prof de physique (nommée « Géquil ») et celle-ci est au bout de sa vie, essayant péniblement d’enseigner à des élèves odieux qui la traitent comme un bâton traiterait une piñata. Autant vous dire que le traitement de Bozon n’a pas grand chose d’un Entre les murs.

Il y a d’abord dans Madame Géquil un très (très) curieux ton comique. Cela vient en partie du tempo très singulier qui fait qu’on ne sait jamais trop sur quel pied danser ; cela vient également d’un décalage curieux entre l’apparent réalisme et la plus totale incongruité. A cette première couche d’incongru s’ajoute une autre, car effectivement cette très libre adaptation de L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde est aussi un film fantastique, et l’incursion de l’étrange et de l’inquiétant crée un contraste absolument merveilleux. Bruno Dumont parlait à propos de ses films de l’importance du contraste chaud/froid, Madame Hyde en est un parfait exemple.

Madame Hyde exploite à ce sujet une idée visuelle inoubliable, qu’on ne vous dévoilera donc pas et qu’on espère gardée secrète pour la promotion du long métrage. Mais il se passe assurément quelque chose d’unique sous la lune rousse de ce film, dont l’image initialement un peu « moche », du moins pas particulièrement léchée, installe une réelle bizarrerie. Le fantastique prend le relais de cette bizarrerie qui, de curiosité en curiosité, parvient à nous faire voyager de la comédie potache au lycée en odyssée fantastique imprégnée d’une vraie mélancolie et in fine d’une vraie poésie. Au cœur de tout cela, est-ce un cliché usé, une tarte à la crème que de dire qu’Isabelle Huppert est une fois de plus géniale ? Car disons-le : dans ce grand écart improbable et ce sans aucun cabotinage, l’actrice irradie une fois de plus et livre une énième prestation en or.

par Nicolas Bardot

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