A voir en ligne | Critique : Madalena

Le corps de Madalena, une femme trans, git dans un champ de soja. Luziene vit sans grand espoir dans un quartier pauvre de banlieue, aidant sa mère au travail. Dans un quartier chic enclos à l’autre bout de la ville, vit Cristiano qui doit démontrer à sa famille qu’il peut se charger de la plantation de soja de son père. Dans un ruisseau, Bianca et d’autres amies trans se débrouillent comme elles le peuvent de la mort de Madalena. Quoiqu’ils ne se connaissent pas, l’esprit de Madalena, qui vole sur la ville, crée un lien entre eux…

Madalena
Brésil, 2021
De Madiano Marcheti

Durée : 1h25

Sortie : disponible sur Mubi

Note :

LA FEMME QUI N’ÉTAIT PAS LA

Un paradis : la rivière et la végétation sont d’un beau vert lors des premiers plans de Madalena. L’atmosphère semble paisible, le ciel immense, les horizons sont larges, quelques émeus se promènent mollement. Mais la lumière peut brusquement changer dans le film de Madiano Marcheti (lire notre entretien) quand un sombre nuage passe sur les visages. Lors d’un dynamique et joyeux cours de danse, le ciel au-dessus des têtes devient plus orageux – et un sentiment d’inquiétude s’invite.

Quelque chose plane sur Madalena, comme les drones qui inexplicablement volent sur les champs. Ou comme un spectre : car Madalena est un film centré sur un personnage quasi-absent du film, mais pourtant omniprésent. Un mystère placide habite la plupart des scènes ; c’est une tension hors-champ, un indicible malaise dans une voiture. Les annonces scabreuses se succèdent à la radio, comme si l’on attendait impatiemment le prochain désastre. On attend en effet beaucoup dans Madalena, ou plutôt on désire – plus de luxe ou plus de muscle. On attend aussi de voir ce que peut révéler ce soupçon de fantastique.

Madalena, femme trans, a disparu. Derrière elle, elle laisse des objets, un chat, des anecdotes. Tout doit disparaître dans son ancienne maison ? Pourtant elle est partout : dans la mémoire de ses proches, dans la mauvaise conscience de ceux qui ne l’ont pas connue. Le panneau final de Madalena indique que le Brésil est le pays avec le taux le plus élevé de meurtres de personnes trans. Le film de Marcheti parle de cette violence, elle est centrale dans l’argument du long métrage, mais elle est aussi traitée en creux.

Car si Madalena est un film sur le sort tragique de cette femme, le long métrage ne filme jamais de personnage trans en position de victime ou subissant de la violence. Cette représentation est aussi un choix politique, qui n’exalte pas la mise en scène des agressions brutales que peuvent subir les protagonistes du film. C’est à l’image du basculement final, qui va précisément à l’inverse de ce que l’on peut voir généralement au cinéma : ce n’est pas un progression vers un climax-choc, mais vers la douceur et la chaleur humaine. Faire un film aussi riche, aussi fin, aussi beau, aussi politique, est une sacrée prouesse.


>> Madalena est disponible sur Mubi

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par Nicolas Bardot

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