FIFIB 2019 | Critique : Ma nudité ne sert à rien

Ma nudité ne sert à rien est l’autoportrait d’une quadragénaire, une âme errante qui s’interroge sur son travail, son corps et ses relations à l’ère des rencontres en ligne et autres one night stands.

Ma nudité ne sert à rien
France, 2019
De Marina de Van

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

CORPS ET ÂME

« Je sais que c’est une histoire » entend-on assez vite dans Ma nudité ne sert à rien, le nouveau long métrage de Marina de Van qui pourtant, à première vue, tient davantage du documentaire que de la fiction. Et il y a dès les premiers instants de Ma nudité ne sert à rien un sentiment d’authenticité totale de la part de sa réalisatrice. C’est elle qui parle à la première personne, son corps est nu et elle semble se livrer entièrement. Il y a cette froideur et cet aspect direct auxquels on a été familiarisé dans ses écrits tels que le bien nommé Stéréoscopie qui puise dans sa propre expérience et dont on reconnait la langue. Une lucidité brutale que l’on retrouve ici mais dont l’honnêteté évite la provocation. « Je suis comme morte mais mon corps reste chaud » : le film, lui-même, est porté par cette tension.

Dans Ma nudité ne sert à rien, Marina de Van se tire la peau, la masse et la malaxe. Les plans sur la chair de poule, sur les marques, sur les plis et les grains de beauté se succèdent ; et l’on se souvient bien sûr que le premier (impressionnant) long métrage de la réalisatrice s’appelle Dans ma peau. Le regard ici est à la fois mécanique (on manipule le corps comme une machine) et charnel (la nudité totale semble parfaitement naturelle) et le film intrigue par cette valse-hésitation. Car si, dans ce journal intime, la cinéaste se livre entièrement, il est aussi beaucoup question de rôle à jouer. De l’effort pour interagir ou du jeu de séduction. Il y a une angoisse, et une résignation. « Je suis à l’âge de la transparence » dit-elle, tandis que son corps occupe tout l’écran.

Lors d’une scène centrale, Marina de Van reproduit (joue?) devant sa télé la scène de danse face au jury dans Flashdance. Elle danse et danse et finalement, contrairement à Jennifer Beals (ou sa doublure), elle s’épuise. On a le sentiment que l’artiste livre une performance d’elle-même dans cet appartement qui ressemble à un aquarium (« Je ne sais pas s’il fait doux ou frais dehors ») ou… à une scène. Car si c’est ici comme un journal intime que l’on feuillette, on nous prévient pourtant : l’artiste puise dans le réel sans se confondre avec lui.

Certaines scènes de Ma nudité ne sert à rien sont jouées (mais jouées pour incarner le réel), et lorsque la réalisatrice porte un masque de beauté, cela sonne comme une mise en garde : est-ce bien elle qu’on regarde ou porte t-elle littéralement un masque ? Doit-elle (doit-on) porter un masque pour vivre, séduire ou se confronter aux autres ? Les couples ici semblent venir d’une autre planète tandis que Marina de Van, scrollant sur les applis de drague, nous assure qu’elle ne convoite rien. Du trivial le plus absolu (Marina de Van qui mange un Yes), le film pousse le réel jusqu’au romanesque dans un dénouement qui a des airs de clin d’oeil au Rayon vert. Et qui confirme que ces confessions brutes sont drapées depuis le début d’un étrange trouble.

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par Nicolas Bardot

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