Festival de Toronto | Critique : Lo invisible

Luisa, 45 ans, revient chez elle après un séjour en clinique psychiatrique.

Lo invisible
Équateur, 2021
De Javier Andrade

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

LE MUR INVISIBLE

Dans les premiers plans de Lo Invisible, la brume se dissipe sur la forêt et une femme apparait soudain. Luisa est en effet de retour au foyer familial et elle pourrait tout aussi bien sortir d’un brouillard surnaturel tant son entourage fait bien attention à ne jamais mentionner les raisons de son absence. L’invisible du titre, c’est tout d’abord ce non-dit discret qui fait que chacun se réjouit de pouvoir la prendre à nouveau dans ses bras, mais que personne n’a vraiment envie de la regarder dans les yeux.

Luisa a tout pour être heureuse. Dans sa superbe maison, ultra moderne et toute en vitres, il y a des domestiques fidèles et attentionnés. Il y a son mari et son fils adolescent, avec qui Luisa ne partage pourtant quasiment aucune scène. Il y a également un bébé, et l’on devine qu’il s’agit du sien, même si là encore le film ne met jamais en scène la protagoniste dans une posture de mère. Luisa a beau être de tous les plans, c’est comme si elle était séparée du reste de sa vie par une barrière fantomatique.

« Mieux vaut ne pas trop en dire« , c’était déjà le titre du précédent long métrage du réalisateur équatorien Javier Andrade, et celui-ci fait effectivement preuve d’une écriture délicate et incisive à la fois. Tout d’abord en dosant avec justesse les indices sur la situation de son personnage, puis encore plus en faisant de celle-ci un personnage ambigu et riche de reliefs. Interprétée avec charisme par Anahí Hoeneisen, par ailleurs coscénariste du film, Luisa n’a pour ainsi dire jamais l’air malade. Elle serait plutôt du genre à à s’agacer quand ses domestiques s’excusent trop, à s’autoriser à être cruelle et à mordre pour qu’on se rappelle bien qu’elle n’est pas qu’un spectre invisible.

Javier Andrade sait également laisser sa mise en scène raconter le film, parfois davantage que le scénario. C’est en effet la mise en images qui transforme peu à peu cette demeure de verre en prison mentale et qui fait de chaque membre du foyer un geôlier en puissance. Étonnant portrait psychologique, parfois proche du fantastique, Lo Invisible parvient à montrer en filigrane une violence invisible : celle des rôles familiaux dont on ne peut se défaire à sa guise.

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par Gregory Coutaut

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