A voir en ligne | Critique : L'Île des perdus

A voir en ligne | Critique : L’Île des perdus

Le flux ne s’arrête jamais. Essoufflés par la montée des escaliers, descendus des bus ou sortis du métro, trempés par la pluie ou fatigués par le trajet, pendant toute la journée les perdants approchent l’accueil du Service des Objets Trouvés. Ils viennent récupérer leurs objets, ils sont pressés. Mais retrouver ce qui a été égaré n’est pas chose facile…

L’Île des perdus
France, 2020
De Laura Lamanda

Durée : 1h18

Sortie : –

Note :

LES ÉGARÉS

Que trouve t-on au Service des Objets Trouvés ? C’est la question posée par L’Île des perdus, premier long métrage de Laura Lamanda (lire notre entretien), qui figure dans la compétition documentaire au Festival Films de Femmes de Créteil. On y trouve de tout : des casques, des robes, des poussettes et même des vieux bouquins de Raymond Barre. On y trouve aussi des choses beaucoup plus intimes, comme des lettres d’amour, des dessins ou des carnets de récits de voyages. Lamanda compose un inventaire à la Prévert dont la première qualité est poétique.

Cet inventaire est aussi celui d’un étrange musée. La caméra s’attarde attentivement sur des étagères où s’accumulent toutes sortes d’objets comme s’ils étaient exposés. Des cargaisons de téléphones portables ressemblent à une installation d’art contemporain. Ils sont regardés dans un silence respectueux, tandis que le guichet à quelques pas est toujours baigné d’un léger brouhaha. Ceux qui s’y rendent viennent parfois du monde entier. Qu’est-ce que des objets futiles peuvent bien signifier ? Qu’est-ce que les objets perdus ou retrouvés peuvent révéler d’un état émotionnel ?

Certaines pertes ne sont pas si futiles : on craint un vol d’identité, on s’inquiète de papiers perdus lorsqu’on est un réfugié politique. Mais la plupart des objets observés par Lamanda ne sont pas accompagnés d’explications. Ils sont là, c’est tout, et c’est à nous de construire leur narration. Quelle histoire imaginer à partir d’un objet perdu, qu’il s’agisse d’une mignonne petite peluche de phoque ou de lingots d’or ? Le Services des Objets Trouvés peut avoir quelque chose d’assez trivial – où est passé le tabac qui était dans ce sac perdu dans le métro ? Mais il est aussi, à travers le regard de la cinéaste, un profond et émouvant réservoir d’histoires : des choses et d’autres perdues, oubliées, parfois recherchées mais qui pour certaines finiront détruites.