Critique : L’Histoire de ma femme

Jacob est capitaine au long cours. Un jour, il fait un pari avec un ami dans un café : il épousera la première femme qui en franchira le seuil. C’est alors qu’entre Lizzy…

L’Histoire de ma femme
Hongrie, 2021
De Ildiko Enyedi

Durée : 2h49

Sortie : 16/03/2022

Note :

LE GRAND BLUFF

Contrairement à ce qu’indique son titre, L’Histoire de ma femme est davantage un film sur son protagoniste masculin que sur l’épouse de celui-ci. La réalisatrice hongroise Ildikó Enyedi dit avoir voulu poser un regard féminin sur la créature qui lui paraissait la plus exotique possible : l’homme idéal. Capitaine de bateau, Jakob est un homme solide au cœur encore pur. Un homme sorti d’un roman d’aventures, mais qui va se retrouver tout petit face à une histoire d’amour dévorante. Cela pourrait être un personnage impossible, dont la bonté virile confinerait avec la niaiserie ou la béance, mais Enyedi rend contagieuse la bienveillance de son observation. Jakob est un homme presque sans histoires, ça pourrait être le signe qu’il ne faudrait surtout pas centrer l’histoire sur lui, mais le charismatique et sexy Gijs Naber lui apporte un relief particulièrement vivant (il faut souligner la qualité de son interprétation, loin de signes du « jeu qui se voit »). Surtout, Enyedi est une cinéaste joueuse, avec ses propres règles.

Ce n’est pas la première fois que la cinéaste tourne hors de son pays. Tourné à Paris, Simon le magicien possédait déjà le charme bancal d’une romance davantage rêvée que vécue. Il y a à nouveau de la magie en filigrane dans L’Histoire de ma femme, il y a du jeu et du jeu de rôle dans cette histoire d’amour débutée sur un coup de tête. Dans Corps et âme (Ours d’or 2017), Enyedi montrait que la construction d’une relation amoureuse était avant tout un songe. Ici c’est une partie de poker, un grand bluff porté par la croyance en un romanesque de conte. C’est hélas aussi une épuisante succession de manches répétitives où chacun se ment un sourire aux lèvres.

L’Histoire de ma femme est un film ample, une grande romance en costumes qui traverse l’Europe et les années, peuplée de figures romantiques d’un autre âge. C’est aussi une fantaisie décalée, et le mélange fonctionne plutôt bien au moment de désamorcer (à coups d’humour ou d’images généreuses) la lourdeur potentielle de l’entreprise. Cela fonctionne… jusqu’à ce que cela ne fonctionne plus. Et il est difficile de pointer du doigt le moment exact de rupture tant le film est long et valse sur des scènes aux enjeux répétitifs. Ces derniers (l’épouse du héros est-elle fidèle) paraissent trop triviaux pour porter un film d’une telle taille. Les jolies métaphores deviennent lourdes à force des surlignages superflus, la poésie aérienne prend l’eau.

L’Histoire de ma femme n’est pas un film sur l’épouse et tant mieux, tant le personnage de Léa Seydoux se ratatine jusqu’à devenir un pénible cliché de femme-oiseau insaisissable et hystérique. Ce n’est pas le personnage tout aussi mesquin de Louis Garrel qui vient rééquilibrer l’affaire. Leurs scènes à tous les deux tirent le film vers le bas, vers une production bourgeoise française sans aspérité. C’est quand Enyedi colle aux basques de son protagoniste (aucune bonne scène n’a lieu sans lui), lorsqu’elle se fait elle-même capitaine de navire à ses cotés, qu’elle maintient le mieux la barre et qu’elle nous transmet sa précieuse folie douce.

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par Gregory Coutaut

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