Critique : Les Sorcières de l’Orient

Les joueuses japonaises de volley-ball surnommées les “Sorcières de l’Orient” sont aujourd’hui septuagénaires. Depuis la formation de l’équipe à l’usine, jusqu’à leur victoire aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964, souvenirs et légendes remontent à la surface et se mélangent inextricablement…

Les Sorcières de l’Orient
France, 2021
De Julien Faraut

Durée : 1h40

Sortie : 28/07/2021

Note :

COUP DE FOUDRE AU MATCH DE VOLLEY-BALL

Les Sorcières de l’Orient s’ouvre sur un court métrage, Danemon Ban : The Monster Exterminator, réalisé en 1935 par Yoshitaro Kataoka. Ce court superbe au riche imaginaire met notamment en scène une créature surnaturelle, une femme aux pouvoirs qui viennent d’un autre monde. Les Sorcières de l’Orient est un documentaire sur des femmes en chair et en os, certainement pas des yokai – mais leur pouvoir magique sur un terrain de volley-ball semble lui aussi venir d’ailleurs.

Dans L’Empire de la perfection, sorti chez nous en 2018, Julien Faraut s’invitait à Roland Garros et parmi les souvenirs encore gravés dans la terre battue. Les Sorcières part à l’autre bout de la planète, au Japon, pour raconter une autre perfection : le parcours d’une équipe de volley-ball féminine qui a enchainé plus de 250 victoires sans défaite. Les membres se retrouvent devant la caméra de Faraut, elles semblent encore proches, se demandant des nouvelles depuis août dernier. Mais ces sympathiques dames âgées sont aussi des légendes. Elle ont chacune leur surnom, comme des stars. Elles ont inspiré des mangas, des animes, et Faraut inclut ces images qui exaltent la réalité et où le volley devient le terrain d’une chorégraphie aérienne et fantastique.

Le film examine ainsi un phénomène socio-culturel : au-delà de leur influence pop, les sorcières incarnent le visage d’un Japon nouveau, des années après le traumatisme de la guerre. La finale aux Jeux Olympiques à laquelle elles ont participé reste l’une des meilleures audiences télévisées au Japon, encore aujourd’hui. Le film réunit les souvenirs d’un âge d’or ; le spectacle est à la fois galvanisant et d’une mélancolie chaleureuse.

Qu’est-ce qui se cache derrière cette perfection ? Les Sorcières de l’Orient raconte les entrainement mécaniques de jeunes femmes qui travaillent à la chaine à l’usine. Les sorcières seraient-elles des robots, des machines essorées impitoyablement par leur démon d’entraineur, suant sur le terrain même quand leurs côtes sont fêlées ? Les Sorcières de l’Orient n’est, heureusement, pas qu’un chant vantant les mérites de la douleur à la Whiplash. Il y a un regard bienveillant et émouvant posé sur les différentes protagonistes. Ce sont elles, dans leur quotidien, ce sont aussi des héroïnes que Faraut raconte. L’utilisation dramatique d’exceptionnelles images d’archive transforme ici la retransmission sportive en fascinant objet de cinéma. Ces mémoires sont aussi attachantes que passionnantes.

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par Nicolas Bardot

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