Critique : Les Moissonneurs

Afrique du Sud, Free State, bastion d’une communauté blanche isolée, les Afrikaners. Dans ce monde rural et conservateur où la force et la masculinité sont les maîtres-mots, Janno est un garçon à part, frêle et réservé. Un jour, sa mère, fervente chrétienne, ramène chez eux Pieter, un orphelin des rues qu’elle a décidé de sauver, et demande à Janno de l’accepter comme un frère. Les deux garçons engagent une lutte pour le pouvoir, l’héritage et l’amour parental.

Les Moissonneurs
Afrique du sud, 2018
De Etienne Kallos

Durée : 1h44

Sortie : 20/02/2019

Note : 

DERNIÈRE MOISSON

Les Moissonneurs est le premier long métrage du réalisateur sud-africain Etienne Kallos mais celui-ci avait été repéré à la Cinéfondation cannoise il y a une dizaine d’années. Ce film a lui-même été développé dans le cadre de la Résidence de la Cinéfondation, et a été dévoilé cette année à Un Certain Regard. Bien entouré, le film est en effet bien produit, bien fait… même si ce n’est pas nécessairement la qualité la plus excitante à noter pour un premier long métrage.

Les Moissonneurs débute pourtant de façon plutôt prometteuse, avec cette ouverture intense et menaçante. Kallos dépeint le quotidien rural le plus simple, entre l’attention portée aux vaches et aux œufs. Mais ce quotidien est plongé dans une brume étrange, magnifiée par l’image du talentueux Michael Englert, directeur de la photographie entre autres pour Małgorzata Szumowska. Le réalisateur, avec un talent certain, ménage des ellipses et laisse du non-dit, construisant ainsi la tension du long métrage.

Peu à peu se dessine la terreur insensée de cette famille d’Afrikaners qui se voient comme une espèce en danger. « Il reste si peu d’entre nous » se lamente la mère. Kallos dépeint une Afrique post-coloniale où des Blancs perdent tout sens commun face à la perte de leur hégémonie et leurs privilèges. « Vous êtes tous lobotomisés », entend-on de la voix d’un outsider. Autre piste intéressante, le cinéaste fait le récit d’apprentissage d’un jeune homme qui tente de se construire et dont l’orientation sexuelle ne semble pas soluble dans la société patriarcale archaïque ici décrite.

Hélas, le film ne tient à nos yeux pas entièrement sur la longueur. Aux non-dits succèdent des scènes de plus en plus dialoguées aux allures de plus en plus didactiques et l’écriture manque peut-être de ruptures de ton et de personnalité nette pour sortir de ses rails. Le résultat est néanmoins solide, rehaussé par une fin noire et spectaculaire qui redonne du relief au long métrage.

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par Nicolas Bardot

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