Critique : Leave No Trace

Tom a 15 ans. Elle habite clandestinement avec son père dans la forêt qui borde Portland, Oregon. Limitant au maximum leurs contacts avec le monde moderne, ils forment une famille atypique et fusionnelle…

Leave No Trace
États-Unis, 2018
De Debra Granik

Durée : 1h47

Sortie : 19/09/2018

Note : 

NATURE HUMAINE

« Les voitures et les camions passent en rugissant sur l’autoroute, les gens à l’intérieur regardent droit devant eux, ils pensent à leur destination, aux événements à venir et sans doute aux choses qu’ils ont faites auparavant, sans songer à nous, ni même nous voir« . Cette phrase, que l’on trouve au début du roman de Peter Rock que Debra Granik (lire notre entretien) adapte ici avec Leave No Trace, ouvre une première piste. L’Amérique que la cinéaste choisit de regarder dans son nouveau long métrage est une terre abandonnée dont les habitants sont oubliés. Leave No Trace s’aventure loin des routes, s’immisce au cœur des forêts profondes où vivent, sans laisser de trace et isolés de la société, une fille et son père.

 Granik parvient en quelques scènes à décrire l’âpre quotidien de ses deux protagonistes. Dans la tradition du nature writing, Granik fait du décor un troisième personnage, une mer verte qui à plusieurs reprises semble à deux doigts d’avaler Tom, 15 ans, et son père, un vétéran qui semble porter en lui des cicatrices de guerre. Ce postulat pourrait être tout à fait romanesque et spectaculaire, mais Granik privilégie dans un premier temps le réalisme terre-à-terre, quitte parfois à installer une certaine monotonie dans la narration. Celle-ci, pourtant, s’élève au fil du film, emprunte au mythe (lorsque les deux héros affrontent des conditions climatiques difficiles) voire au conte (lorsque la jeune héroïne se retrouve esseulée dans un chalet ou dans les bois).

 La partie la plus intéressante de Leave No Trace tient dans le récit d’apprentissage atypique que la réalisatrice construit. A l’image d’une Kelly Reichardt, mais de manière peut-être plus mainstream, Granik raconte comment peut s’exprimer l’émancipation féminine hors des schémas paternalistes. C’est un chemin de traverse que prenait déjà Winter’s Bone, et c’est ce qui fait de Leave No Trace un anti-Captain Fantastic qui, derrière ses allures babas, était un spot de pub pour un patriarcat toxique. Leave No Trace est moins dans la séduction mais il est plus honnête, de la même manière que ses marginaux, pour certains aux visages burinés, sont croqués avec plus d’amour que de folklore. Le résultat, porté par une force tranquille, est attachant et assez subtil.

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par Nicolas Bardot

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