Festival d’Antalya | Critique : Kerr

Can est l’unique témoin d’un meurtre commis dans la gare d’une ville étrange. Par la suite, il se retrouve lui-même impliqué dans une histoire ambiguë. Mais toutes ses tentatives pour s’échapper de cet enfer échouent.

Kerr
Turquie, 2021
De Tayfun Pirselimoğlu

Durée : 1h41

Sortie : prochainement

Note :

UNE HISTOIRE DE FOUS

Can revient dans sa ville d’enfance, et c’est comme s’il débarquait au bout du monde. Peut-on encore appeler ville un lieu quasi déserté, aux bâtiments en ruine, où ne subsiste qu’une poignée d’hurluberlus semblant avoir perdu l’art de se comporter en société ? Dans ce trou paumé balayé par la neige et le vent, les rues sont abandonnées aux chiens et les derniers humains se calfeutrent dans leur excentricité. A peine arrivé en ville, le naïf Can est témoin d’un meurtre, mais l’assassin n’a pas l’air dérangé d’être pris en flagrant délit. A partir de là, personne ne va réagir de façon normale, plongeant le film dans une fantasque perte de repère.

Il y a du Twin Peaks dans l’immersion progressive de Can et son air de garçonnet ahuri au cœur de ce village de fous. Il y en a même un peu trop lorsque s’accumulent les motifs lynchiens dans le décor, tel ce cabaret aux velours rouge, ou cette mystérieuse musique mi-Badalamenti mi-Téléchat . La référence est quelque peu écrasante, mais Kerr n’est pas qu’un simple hommage appliqué. S’il ne partage pas la notoriété de ses compatriotes Ceylan, Alper ou Kaplanoğlu, le vétéran Tayfun Pirselimoğlu n’en est pas à coup d’essai, et c’est dans les festivals les plus cinéphiles que le public français a jusqu’ici pu découvrir son œuvre (Où sont nos disparus ? à Vesoul, Je ne suis pas lui aux 3 continents, etc).

L’absurdité givrée de Kerr trouve aussi des échos ailleurs : dans la comédie scandinave (le film est en effet tout à fait drôle) ou dans l’étonnante poésie du Kazakh Adilkhan Yerzhanov (comme chez ce dernier, la comédie ne signifie pas que l’aspect visuel soit sacrifié, au contraire). On a parfois l’agaçante impression que Kerr vient nous tirer la manche et réclamer de notre part un intérêt interloqué et amusé, alors qu’on lui aurait de toute façon spontanément accordé. Toute cette bizarrerie surlignée est sans doute un peu artificielle, mais ce cocktail d’influences différentes donne en échange beaucoup de charme au film.

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par Gregory Coutaut

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