Critique : Julie (en 12 chapitres)

Julie, bientôt 30 ans, n’arrive pas à se fixer dans la vie. Alors qu’elle pense avoir trouvé une certaine stabilité auprès d’Aksel, 45 ans, auteur à succès, elle rencontre le jeune et séduisant Eivind.

Julie (en 12 chapitres)
Norvège, 2021
De Joachim Trier

Durée : 2h01

Sortie : 13/10/2021

Note :

OK BOOMER

Il y a une adorable brise printanière qui plane sur Julie (en douze chapitres), le nouveau long métrage du Norvégien Joachim Trier. Mises en valeur par des couleurs lumineuses, les rues d’Oslo y sont prêtes à accueillir le souffle chaleureux d’une comédie romantique. Tout sourire en dépit de ses attachantes maladresses, Julie a d’ailleurs tous les traits de l’héroïne de ce type de récit. Mais tel un sirop mal dosé, cet appétissant mélange se dilue progressivement jusqu’à devenir fade. Dans le contexte du Festival de Cannes (où le film figure en compétition), si la découvertes chinoise Ripples of Life proposait l’une des fins de film les plus exaltantes, Julie (en douze chapitres) possède l’une des fins les plus bourgeoises et pataquès.

Que s’est-il passé pour que le film perde ainsi la grâce qui rendait si bouleversant Oslo 31 août, film qui avait révélé Trier à Cannes il y dix ans ? On retrouve ici des idées de mise en scène similaires à Oslo…, trop similaires sans doute, et celles-ci n’apportent cette fois pas grand chose d’autre que la redondance des gimmicks. L’écriture s’est également appauvrie, alors même que Joachim Trier a une nouvelle fois collaboré avec son fidèle scénariste Eskil Vogt (par ailleurs réalisateur du plus ambigu The Innocents, également présenté à Cannes cette année). Dans le dernier tiers de Julie (en douze chapitres), les personnages passent par exemple leur temps à lourdement réexpliquer ce que le film parvenait suffisamment à sous-entendre jusque-là. Que s’est-il passé depuis les brillantes premières collaborations de Trier et Vogt ? Eh bien peut-être qu’ils ont vieilli, tout simplement.

La jolie Julie a beaucoup de charme. Presque trop. Le scénario insiste tellement pour nous faire succomber à sa douceur qu’il finit vite par manquer de nuances. Malgré le charisme de l’actrice Renate Reinsve, ce personnage est trop superficiel pour qu’on s’émeuve de ses mésaventures ou qu’on s’identifie à son évolution. C’est comme si elle n’était qu’un sourire sur pattes, une allégorie de la jeune femme charmante et à charmer. Le vrai problème c’est que cette Julie ne ressemble jamais à une jeune fille crédible d’aujourd’hui, elle ne ressemble qu à un fantasme de femme-oiseau-tellement-libre sortie de l’imagination de mecs hétéros. Malgré ses tentatives surlignées, Julie (en douze chapitres) ne dit absolument rien des jeunes femmes d’aujourd’hui. Sans doute sans le réaliser, il dit en revanche beaucoup sur le poids et les œillères du regard masculin.

Julie (en douze chapitres) n’est pas seulement paternaliste quand il s’intéresse à son héroïne prétexte, il l’est aussi envers les personnages secondaires. Joachim Trier, qui vient à l’origine du milieu punk, semble avoir pris 30 ans en 10 ans au moment de faire le portrait de ses contemporains et d’aborder des sujets tels que le féminisme, les drogues, l’engagement social, MeToo… même lorsqu’ils utilisent l’ironie, Trier et Vogt mettent aussi mal à l’aise que lorsque des boomers tentent de se moquer des millennials. Quoi qu’il en soit, indépendamment ces balourdises de vieux briscards qui après tout, amuseront peut-être les spectateurs qui détestent les jeunes, Julie (en douze chapitres) est un film qui n’a que les apparences du cinéma d’auteur et qui a autant de personnalité qu’un verre d’eau gentiment sucré.

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par Gregory Coutaut

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