Critique : Jesús López

Jesús López, jeune pilote de course automobile, meurt brutalement dans un accident de moto, laissant les habitants de son village sous le choc. Son cousin Abel, un adolescent mal dans sa peau, est alors tentéde prendre sa place. Il emménage chez les parents de Jesús, porte ses vêtements et se rapproche de ses amis ainsi que d’Azul, son ex-petite amie. Son entourage le laisse faire mais la ressemblance avec son cousin va commencer à devenir troublante.

Jesús López
Argentine, 2021
De Maximiliano Schonfeld

Durée : 1h27

Sortie : 13/07/2022

Note :

MORTEL TRANSFERT

Jesús López a beau donner son nom au film, c’est un personnage qu’on ne voit jamais à l’écran. Ça tombe bien : le nouveau film de l’Argentin Maximiliano Schonfeld (La helada negra) laisse beaucoup de place au hors-champ. Lorsque le film débute, Jesús vient de décéder dans un accident de voiture, mais celui qui occupe alors tout l’écran en gros plan, c’est son cousin Abel. On ne sait pas à quoi ressemblait Jesús mais on devine qu’Abel en est tout le contraire : timide, maladroit et solitaire, alors que le cher disparu faisait partie d’une bande de jeunes motards hédonistes et mystérieux presque sortis de Twin Peaks (à qui la musique semble d’ailleurs faire parfois référence).

Abel a beau être au cœur de l’action, au sens propre et au sens figuré, il a l’air d’errer sans gouvernail. Autour de son visage hébété, la mise en scène laisse deviner un hors cadre énigmatique, grâce à un étonnant travail sur le son. L’écriture est quant à elle riche d’ellipses judicieuses. On ignore les liens qu’entretenaient les deux garçons avant l’accident, et quand Abel décide de prendre la place de Jesús jusqu’à emménager chez ses parents, porter ses vêtements (a-t-on tort de voir là un sous entendu cryptoqueer ?) et se faire appeler par son nom, le film ne donne pas non plus d’explication. Tant mieux.

Maximiliano Schonfeld (lire notre entretien) démontre une manière forte de stimuler l’imagination du spectateur. Après un début relativement réaliste, la mise en scène du film change, et celui-ci se déploie dans une structure qui privilégie l’ouverture de perspectives aux réponses définitives. A coups de superbes couchers de soleil roses et d’émouvantes énigmes, Jesús López se dilate progressivement dans une sorte de rêve fantastique et brumeux. Voilà un film qui donne chair à un indicible mystère : le spleen qui plane dans les limbes séparant l’enfance de l’adolescence.

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par Gregory Coutaut

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