Critique : I Comete

Un village en Corse. Les enfants s’égayent, les ados traînent, les adultes réfléchissent à l’avenir, les aînés commentent le temps qui passe. Mais malgré le soleil et les éclats de rire, l’été ne guérit pas toutes les blessures.

I Comete
France, 2021
De Pascal Tagnati

Durée : 2h08

Sortie : 20/04/2022

Note :

L’ILE PRISON

Sur la place du village, quelques personnes végètent à l’ombre assises sur les marches de l’église, discutant avec l’accent et des expression du coin. Dans cette image d’Épinal de torpeur méditerranéenne, il y a pourtant déjà un léger couac. Leur brève conversation prend des virages un peu fous et avant que la nonchalance estivale reprenne le dessus dans un rire, on aura aperçu un bref éclat de nervosité, comme une pensée négative déjà envolée à peine a-t-elle traversé l’esprit. Aucune ombre ne semble pourtant planer sur ce village corse qui a tout d’un coin de paradis. Discrète et élégante, la mise en scène vient encadrer la placidité magnétique des paysages boisés, si bien que dans les scènes d’intérieurs, la moindre fenêtre ouverte sur un arbre a déjà quelque chose d’émouvant et magique.

Mais la carte postale se trouble. La chaleur humaine qui anime ces différentes scénettes se fait plus intense : analyse de l’identité d’un club de foot, rivalités de cours de récrés, blagues de cul reloues… sous des apparences banales, chaque discussion vire au cul-de-sac, à l’échauffement des esprits. Comme une alarme impossible à éteindre, ce qui finit toujours par revenir dans ces conversations, ce sont des codes masculins qui s’imposent sans nuance, une fierté bravache et toxique faite d’affrontements bruts et de microagressions homophobes . Ce qui se réveille, c’est la claustrophobie d’une mentalité insulaire, une absence de remise en question qui donne à cet éden des airs de prison.

Pascal Tagnati (lire notre entretien) parvient à exposer cette tension sous-jacente sans jamais montrer de réelle violence à l’écran et sans charger son écriture de raccourcis faciles. I Comete est un film où la nervosité est traduite non pas par des explosions mais par la pertinence d’un point de vue particulièrement nuancé. Chaque scène est filmée de loin (ce qui donne au passage un étrange vertige), et pourtant il est flagrant que cette histoire nous est racontée de l’intérieur. Tagnati a trouvé une distance singulière mais idéale pour traduire l’ambivalence empoisonnée de cette communauté et pour révéler avec une finesse intranquille les violents mystères qui se cachent derrière nos quotidiens.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article