A voir en ligne | Critique : High Life

Un groupe de criminels condamnés à mort accepte de participer à une mission spatiale gouvernementale, dont l’objectif est de trouver des sources d’énergie alternatives, et de prendre part à des expériences de reproduction…

High Life
France, 2018
De Claire Denis

Durée : 1h50

Sortie : 07/11/2018

Note : 

UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT

Un film de science-fiction par Claire Denis ? L’annonce avait de quoi surprendre mais ce serait oublier l’éclectisme du cinéma de la réalisatrice française. La diversité des genres qu’elle a pu explorer, de l’horreur (Trouble Every Day) à la comédie (Un beau soleil intérieur) ou la diversité des territoires qu’elle a filmés, des rues parisiennes et banlieusardes jusqu’en Afrique – et ici l’espace. Et l’espace semble en quelque sorte un décor naturel pour le cinéma régulièrement sensoriel de la réalisatrice. Un lieu en apesanteur pour un film-trip où l’on peut se sentir parfaitement high.

High Life est un pur film de science-fiction (vaisseau spatial, visions fascinantes de trou noir, étoiles scintillantes, expériences mystérieuses) mais aussi un film de prison (les protagonistes ici sont des condamnés à mort en mission gouvernementale). Sans réduire le film à une lecture sociale terre-à-terre, l’un des attraits de High Life est ce portrait sociétal déguisé en intrigue fantastique. On cultive un beau jardin luxuriant dans l’espace, on y croise un bébé, des chiens, on peut même y être enterré. Nous sommes résolument dans l’espace, mais on est finalement un peu sur Terre dans cette parabole à dimension humaine.

Les corps ont beau être en apesanteur, il y a quelque chose de purement physique dans le récit que fait High Life. C’est un film de fluides (de lait, de sang, de sperme) où l’on baise et où l’on se cogne. Les protagonistes ne sont pas dans la séduction et on reconnaît l’aspérité régulière des mystérieux personnages qui peuplent le cinéma de Denis. Mais il règne un magnétisme extrêmement sexué dans ce vase clos, régenté par une « chamane du sperme ». C’est ce qu’il reste aux rats de laboratoires projetés dans le vide et la plus profonde des nuits – ce rapport physique aux choses et aux autres ; on en revient au traitement sensoriel propre à la réalisatrice.

High Life est une rêverie et un vagabondage. Le film a cette élégance somnambule, parsemé ici ou là de visions stupéfiantes, puis d’étranges attentes. C’est un film de silences mais aussi de sons, d’une singulière dimension poétique. C’est aussi un long métrage qui nous rappelle ce qui constitue les meilleures réussites de son autrice : on n’imagine pas qui que ce soit sur la planète raconter une histoire et la mettre en scène comme Claire Denis le fait. C’est à nouveau vrai pour cette expérience ensorcelante, déconcertante et unique.


>> High Life est visible librement sur le replay d’Arte jusqu’au 21 novembre

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par Nicolas Bardot

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