Critique : Grand marin

Lili, 35 ans, décide de tout quitter pour partir pêcher dans le Grand Nord. Dans ce monde d’hommes, elle va faire face à la peur, à l’épuisement physique, au déchaînement de la nature. Elle va surtout devoir faire face à elle-même et conquérir une liberté sans égal…

Grand marin
France, 2022
De Dinara Drukarova

Durée : 1h24

Sortie : 11/01/2023

Note :

PETIT BATEAU

A l’origine de ce premier long métrage réalisé par Dinara Drukarova, il y a le best-seller que Catherine Poulain a écrit en 2016, ouvrage qui a également été couvert de lauriers. C’est un récit librement autobiographique, dont s’est saisie une autre voyageuse : Drukarova, née en Russie, découverte en 1989 dans Bouge pas, meurs, ressuscite de Vitali Kanevski, et visage familier du cinéma français depuis des années. La course en avant et le saut dans le vide que raconte Grand marin sont suffisamment archétypaux pour qu’on puisse y projeter bien des récits et expériences.

Lili embarque donc, même si elle n’y connaît pas grand chose en mer et en pêche. L’horizon est impressionnant : la mer, ses vagues, et plus aucune terre visible. Drukarova dépeint la solitude, l’épuisement des corps, les actions quotidiennes sur le bateau qui, vues de l’extérieur, ressemblent à d’étranges rituels. La cinéaste nous embarque, la caméra elle-même épouse le mouvement des vagues. Les meilleures scènes de Grand marin sont les moins narratives : des plans d’oiseaux ou de poissons, des plans de bateau – ce qui semble hors récit est aussi ici ce qui est le plus spectaculaire.

Le scénario, lui, a un peu de mal à nos yeux à se libérer d’un imaginaire marin un peu figé. Le marin est bourru, il va dans des bars à la folk-rock triste, les rencontres impromptues sont généreuses… Grand marin hésite parfois entre l’archétype et le stéréotype. Par ailleurs, si Lili a quelque chose d’énigmatique, c’est aussi un personnage dont le comportement, tel qu’il est écrit, semble arbitraire. Le film progresse mais on ne sait pas qui elle est : pas besoin de comprendre un personnage pour aimer un film, mais encore faut-il y croire.

Si, à notre sens, Grand marin reste parfois à la surface, Drukarova sait proposer une expérience physique dont le climat singulier est nourri par la photographie signée Timo Salminen (collaborateur entre autres d’Aki Kaurismaki). Si le résultat nous semble inégal, le film propose néanmoins une attachante odyssée de poche, servie par son humilité et sa concision.

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par Nicolas Bardot

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