TIFF 2019 | Critique : Ghost in the Mountains

Une région oubliée dans les montagnes de Chine. Le corps d’un homme battu à mort est retrouvé. Le poste de police et l’hôpital semblent être les seuls endroits qui fonctionnent encore dans ce désert jonché de bâtiments en ruines et de rues désolées. C’est là, chez lui, que Lao Liu fait son retour après une absence de plusieurs années.

Ghost in the Mountains
Chine, 2017
De Yang Heng

Durée : 2h16

Sortie : –

Note :

LE MYSTÈRE DE LA FLAMME FANTÔME

Quatrième long métrage de Yang Heng (lire notre entretien), jeune cinéaste chinois couronné il y a quelques années à Busan mais encore méconnu chez nous, Ghost in the Mountains s’inscrit parfaitement dans la nouvelle nouvelle vague des révélations chinoises de ces dernières années. D’autres jeunes cinéastes à l’image de Bi Gan (avec Kaili Blues) ou Zhang Hanyi (avec Life After Life) ont en commun de privilégier l’imaginaire et la poésie comme moyen de narration, en rupture avec les récits davantage ancrés dans un réalisme social, de Jia Zhang-Ke à Wang Bing. Malgré son familier point de départ de thriller, Ghost in the Mountains est une odyssée mystique qui semble se dérouler à l’autre bout du monde – voire dans un autre monde.

L’énigme de Ghost in the Mountains est découverte au début du film en un lent et long panoramique sur la nature. Celui-ci offre le spectacle extraordinaire d’une beauté à couper le souffle. En son cœur: un cadavre, gisant dans l’herbe. Si le mystère ne sera pas perdu de vue, c’est avant tout la peinture poétique qui frappe. La caméra reptilienne glisse, s’avance, toujours au ralenti, créant un sentiment hypnotique renforcé par le travail sonore – l’environnement, le souffle, les silences. On pense à Lav Diaz, à sa façon de marier sérénité et tension, en un mouvement d’une fluidité qui confine à la magie.

Magie, vraiment ? Le titre donne un indice: un fantôme rôde dans les montagnes. Le long métrage dessine encore une fois, en creux, l’opposition entre l’urbanité (ici lointaine) et la ruralité (ici, totalement désolée). La campagne ici est souvent noyée dans une brume impénétrable ; on a parfois le sentiment de vivre dans les nuages, et lorsqu’on plisse les yeux enfin le paysage se dessine. C’est un décor à l’abandon que Yang filme comme un magnifique cimetière, un rendez-vous des spectres (littéraux, ou simplement des souvenirs que l’on partage), une véritable dimension parallèle.

C’est ici que Ghost in the Mountains trouve sa dimension mystique. Derrière le MacGuffin de l’enquête, il y a la découverte d’un monde fantôme qui laisse bouche bée. Des paons s’y baladent, irruption incongrue qui sonne comme un malicieux clin d’œil de vanité. Ghost in the Mountains est véritablement beau comme une armée de paons. Il emprunte au spirituel immémorial (on peut y rencontrer Bouddha si l’on s’y plonge profondément) comme à l’ultra-contemporain (certains plans, certains décors brouillent les pistes entre cinéma, art-vidéo, installation). Voici une découverte d’une majesté proprement fascinante.

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par Nicolas Bardot

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