Critique : Generation Wealth

Un documentaire explorant les pathologies qui ont créé les sociétés les plus riches du monde.

Generation Wealth
États-Unis, 2018
De Lauren Greenfield

Durée : 1h46

Sortie : –

Note : 

TOUT L’ARGENT DU MONDE

Au fil de sa carrière de photographe, l’Américaine Lauren Greenfield s’est largement penchée sur la culture de l’argent aux États-Unis – méga-riches, enfants de riches, apprentis-riches – à travers une approche quasi-anthropologique. Les excès de cette culture jusqu’à la folie constituaient déjà le sujet de son précédent documentaire, The Queen of Versailles, sur des milliardaires dont le rêve était de construire pour eux une réplique du Château de Versailles. Comment cette obsession et cette culture de l’argent comme fiction sociale ont pu mener un Donald Trump au pouvoir ? C’est ce que dessine en creux Generation Wealth qui débute par une scène hilarante qu’on croirait échappée d’un tweet de Loïc Prigent, et durant laquelle la leçon d’anglais prise par des vendeuses consiste à savoir prononcer correctement Dolce pour Dolce & Gabbana.

Greenfield remonte le fil de ses photos pour reconstituer le paysage de cette obsession. Elle retrouve les gens qu’elle a photographiés dans les années 90, le documentaire partant du principe passionnant que c’est en explorant les extrêmes d’une culture qu’on peut comprendre la culture mainstream. Quel sens ses photos d’hier ont-elles aujourd’hui ? Peu à peu, le long métrage aborde divers sujets certes tous plus au moins reliés au thème principal (de l’objectification pornographique à l’obsession des apparences à coup de chirurgie), mais Generation Wealth finit par se disperser en voulant tout traiter et perd l’essentiel de vue. Qu’est-ce qui se trame et qu’est-ce qui gronde à l’ombre des pyramides de Las Vegas ? C’est une question qui n’est traitée qu’à moitié par le documentaire.

La forme extrêmement calibrée, avec ce montage gras, ce tartinage musical cheap, cette mise en scène de soi, n’aident pas le long métrage. Celui-ci se casse plus franchement la figure dans son dénouement, entre ces divers pseudo-happy ends, cette vision des vrais gens qui ont des vraies valeurs (la preuve, ils font des photos de bébés et n’ont pas la télé) ou ces films de vacances sur des Philippins pauvres (mais dignes). La partie consacrée à l’exposition dédiée au travail de Greenfield se situe elle quelque part entre la maladresse et le narcissisme déplacé, en plus d’être là encore hors sujet. Un sujet fascinant, mais qu’on n’aperçoit que par alternance…

par Nicolas Bardot

Partagez cet article